Au moins 12 personnes ont été tuées au Venezuela lors des manifestations contre la réélection de Nicolas Maduro, proclamé président malgré des accusations de «fraude massive». Des milliers de partisans de l'opposition étaient descendus dans les rues ce mardi pour revendiquer la victoire de leur candidat.
L'annonce de la victoire du président sortant a déclenché une vague de protestations à travers le pays et au-delà. Alors que Nicolas Maduro, président du Venezuela depuis 2013, a célébré sa réélection ce lundi, l'opposition, représentée par le candidat Edmundo Gonzalez Urrutia, a appelé ses partisans à de grandes manifestations à travers le pays. Des manifestations largement réprimées par les autorités, conduisant à la mort d’au moins 12 personnes dont 11 civils selon un bilan provisoire établi par des ONG locales.
«Il y a 12 personnes mortes et dans ces manifestations cinq ont été assassinées à Caracas. Nous sommes préoccupés par l’utilisation d’armes à feu lors de ces manifestations», affirmé Alfredo Romero, directeur de l'ONG Foro Penal, précisant que deux mineurs faisaient partie des victimes.
L'Enquête nationale sur les hôpitaux, une ONG, a dénombré 84 blessés civils, tandis que le ministère de la Défense a enregistré 23 militaires blessés. Le parquet a fait savoir que «749 délinquants» avaient été arrêtés dans le cadre des manifestations, certains pour «terrorisme». Dans ce contexte, l'opposition dénonce une «escalade de la répression» et a annoncé l'arrestation d'un de ses cadres, Freddy Superlano.
Une fraude «massive»
Nicolas Maduro, 61 ans, a été officiellement proclamé président ce lundi, après l'annonce des résultats par le Conseil national électoral (CNE). Sans fournir le détail des résultats, le CNE a affirmé que Nicolas Maduro a obtenu 5,15 millions de voix (51,2%) devant Edmundo Gonzalez Urrutia, 4,5 millions de voix (44,2%). Mais l'opposante Maria Corina Machado assure que l'opposition dispose des «preuves de la victoire» grâce à la compilation de procès-verbaux. Selon elle, Edmundo Gonzalez Urrutia a obtenu environ 70% des voix.
De son côté, Nicolas Maduro a accusé l'opposition d'être «responsable de la violence criminelle», lors d'une réunion regroupant les plus hautes instances dirigeantes. «La justice passera contre les diables et les démons», a-t-il averti devant plusieurs centaines de personnes qui ont marché jusqu'au palais présidentiel pour lui apporter leur soutien. Le président de l'Assemblée nationale, Jorge Rodriguez, a lui estimé que «Maria Corina et Edmundo doivent être arrêtés. On ne négocie pas avec le fascisme, on applique toute la rigueur des lois de la République».
La communauté internationale se mobilise
Depuis le scrutin de dimanche, un bras de fer est donc engagé entre le pouvoir socialiste et autoritaire, aux commandes depuis 25 ans, et l'opposition. Cette dernière dénonce une «fraude massive» et exige un dépouillement transparent des votes, réclamé avec de plus en plus d'insistance par la communauté internationale.
Lors d'un entretien téléphonique, le président brésilien Lula et son homologue américain Joe Biden ont rappelé l'importance d'une publication des résultats détaillés complets du scrutin. A leurs yeux, cette élection représente «un moment essentiel pour la démocratie dans l'hémisphère». Washington a par ailleurs jugé «inacceptable» la répression, et le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Volker Türk, s'est dit «extrêmement inquiet». Le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, a pour sa part réclamé «le plein respect» du droit de manifester.
En Amérique latine, c'est une onde de choc. L'Organisation des Etats américains (OEA) a dénoncé «une manipulation aberrante» lors du scrutin. Neuf pays d'Amérique latine (Argentine, Costa Rica, Equateur, Guatemala, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Uruguay) ont appelé dans une déclaration commune à un «réexamen complet avec la présence d'observateurs électoraux indépendants».
En représailles, Caracas a retiré son personnel diplomatique de sept pays latino-américains et rompu ses relations avec le Pérou qui a reconnu le candidat d'opposition comme président «légitime». Le Costa Rica lui a offert l'asile politique, comme à l'opposante en chef. Le président mexicain de gauche Andrés Manuel Lopez Obrador, de son côté, a demandé de «ne pas se mêler» des affaires du Venezuela, tout en plaidant pour la transparence sur les résultats.
Cette nouvelle instabilité politique survient alors que le Venezuela, longtemps un des pays les plus riches d'Amérique latine, est déjà exsangue, empêtré dans une crise sans précédent : effondrement de la production pétrolière, PIB réduit de 80% en dix ans, pauvreté et systèmes de santé et éducatif totalement délabrés. Sept millions de Vénézuéliens ont fui le pays.