Deux ans après l’invasion de l’Ukraine, certains éléments tendent à montrer l'intérêt du pouvoir russe pour la Moldavie. Sera-t-elle la prochaine cible de Vladimir Poutine ?
La Moldavie bientôt dans les mains de Vladimir Poutine ? C’est un scénario que pourrait laisser présager certains indices apparus ces derniers mois. Interrogé début avril par le média suisse Watson, l'auteur moldave Lulian Ciocan de «Et demain les Russes» expliquait que Vladimir Poutine «considère la Moldavie comme son territoire».
Des paroles qui font échos à celles du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov qui annonçait en février 2023 lors d’une réunion de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe que la Moldavie connaîtrait le même sort que l’Ukraine. «La Moldavie est destinée à devenir la prochaine victime de la guerre hybride déclenchée par l’Occident contre la Russie», déclarait-il.
Interrogé par CNEWS, Jean de Gliniasty, directeur de recherche à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), ancien ambassadeur à Moscou et auteur du livre «France, une diplomatie déboussolée», modère toutefois l'hypothèse de voir la Russie s'en prendre à la Moldavie.
Une présidente sur un fil
Pour calmer de potentielles ardeurs russes, la Moldavie peut compter dans un premier temps sur le rôle diplomatique que joue sa présidente, Maia Sandu, qui n'hésite pas à ménager la chèvre et le chou avec Vladimir Poutine et les puissances occidentales, résume en substance ce spécialiste. «La présidente moldave a occupé des fonctions à la Banque mondiale à Washington, elle est donc, à l’origine, proche des puissances occidentales et est pro-européenne, mais depuis son accession au pouvoir et jusqu’à la guerre en Ukraine, elle a su manœuvrer pour ne pas aller contre Vladimir Poutine et tenir une position équilibrée. Au moment de son élection en 2020, sa première visite a été à Moscou pour voir le président russe», explique Jean de Gliniasty.
En 2022, l’invasion de l'Ukraine a rebattu les cartes sans pour autant faire basculer la relation entre la Moldavie et la Russie dans la crise. «Maia Sandu [au moment de l’invasion russe] a pris ses distances en rendant visite à Volodymyr Zelensky mais n’a jamais franchi la ligne rouge», nous explique l’ancien ambassadeur à Moscou avant de préciser que ce fameux chemin de non-retour serait la remise en cause de la neutralité de la Moldavie inscrite dans sa constitution et son intégration à l’Otan, qui «serait un véritable casus belli pour les Russes». Vladimir Poutine avait justement lancé une offensive sur l’Ukraine après un rapprochement de cette dernière avec l’Otan.
Des cas particuliers
La fragmentation de la Moldavie engendre des cas particuliers au sein même de son territoire sur le sujet russe. Située à l’est du pays, la Transnistrie fait figure de premier bastion du président russe en Moldavie. La région n'est aujourd'hui plus sous le contrôle de la capitale politique.
D'après le JDD, quelque 1.500 soldats russes et entre 10.000 et 15.000 paramilitaires pro-russes auraient pris possession du territoire. En 2006, un référendum demandant le rattachement de la région à la Russie avait montré que 97% des votants y étaient favorables. Un soutien que tempère, encore une fois, Jean de Gliniasty. La Transnistrie constitue pour le spécialiste «un musée de l’Union Soviétique», qui fonctionne de manière assez «archaïque». Selon lui, la présence militaire russe constitue une «petite armée» qui reste finalement «très isolée». C’est un soutien assez mineur pour le Président russe dans une région peu développée et peu influente dans le pays.
Pour Jean de Gliniasty, il faut davantage se tourner vers la Gagaouzie pour trouver un potentiel allié de poids à Vladimir Poutine. «Ceux qui pourraient être tentés par le soutien de Vladimir Poutine sont les gagaouzes, habitants de la région autonome de Moldavie, qui pourraient voir un rapprochement avec le président russe comme un moyen d’obtenir plus d’indépendance», explique-t-il. La Gagaouzie est une région autonome de Moldavie comptant 134.000 habitants turcophones.
Enfin, la Moldavie peut compter sur sa position géographique et la protection que constitue le territoire ukrainien qui lui sert de bouclier contre les Russes. Les troupes de Vladimir Poutine sont toujours bloquées dans le «verrou» d’Odessa, la ville ukrainienne située à 60 km à l’est de Chisinau. «On ne prend pas le chemin d’une victoire éclatante des Russes [contre l’Ukraine] qui serait une condition à la conquête de la Moldavie», nous prévient Jean de Gliniasty, qui n’élude toutefois pas un scénario catastrophe. «Si Odessa tombe, la Moldavie est vulnérable».