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Journée mondiale de la liberté de la presse : ces pays où les journalistes sont menacés

Entre enlèvements, séquestrations et emprisonnements, le métier de journaliste est difficilement praticable dans certains pays. [François-Xavier MARIT / AFP] [[François-Xavier MARIT / AFP]]

Entre enlèvements, séquestrations et «chaos informationnel», la pratique du métier de journaliste est toujours difficile dans certains pays, selon le classement 2023 de Reporters sans frontières (RSF) publié ce mercredi 3 mai à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse.

Comme chaque année, le 3 mai coïncide avec la Journée mondiale de la liberté de la presse. Décrétée par les Nations unies en 1993, suivant une recommandation de l’Unesco, elle «sert à rappeler aux gouvernements la nécessité de respecter leur engagement en faveur de la liberté de la presse et constitue également une journée de réflexion pour les professionnels des médias sur les questions relatives à la liberté de la presse et à l’éthique professionnelle», explique l'Unesco.

Mais la liberté de la presse, comme la sécurité des journalistes ou encore la liberté d’expression, restent menacés dans certains pays à travers le monde, selon le classement annuel établi par RSF en 2023. 

Europe

Bien que les journalistes en Europe soient parmi les mieux lotis, «la région connaît toujours de très importantes disparités» en matière de liberté de la presse. Ainsi, si la Norvège, la Lituanie, l'Estonie, la Suède et l’Irlande bénéficient plutôt d'une bonne situation, la condition des journalistes en Europe de l’Est est bien différente.

C’est le cas notamment de la Russie (164e) où, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022, la majorité des médias indépendants ont été interdits et bloqués. D’autres ont subi une «censure militaire» du Kremlin, menant à une désinformation massive.

Dans ce pays, «la censure systémique et l’exode forcé des médias indépendants russes puis étrangers libère l’espace pour la diffusion d’une propagande coordonnée par les médias pro-gouvernementaux», note RSF.

«L’interdiction de réseaux sociaux occidentaux profite à la plate-forme Telegram, dont l’audience en Russie a plus que doublé en un an, observe encore RSF. Moyen privilégié de diffusion des médias indépendants pour contourner la censure, elle a été largement investie par les réseaux de propagande poutinienne, certaines chaînes traquant même les déplacements des journalistes étrangers, assimilés à des espions», ajoute l'organisation.

Du côté du pouvoir, on assume ce contrôle de l’information et cette chasse aux journalistes récalcitrants. Pire encore, Vladimir Poutine tente d’imposer sa vision chez le voisin Bélarus (157e). En effet, depuis la présidentielle du 9 août 2020, les journalistes indépendants sont pourchassés. Le 23 mai 2021, Alexandre Loukachenko a même détourné un avion pour arrêter un journaliste d’opposition qui avait choisi l’exil, rappelle RSF.

En dehors de la Russie et la Biélorussie, la liberté de la presse est très restreinte en Grèce, notamment après le scandale des écoutes de journalistes par les services secrets et via le logiciel espion «Predator», plaçant le pays à la 107e position au classement. Cela «représente l’atteinte la plus grave à la liberté de la presse dans l’UE en 2022 et explique que la Grèce soit le pays européen le plus mal placé du Classement 2023.»

À noter que la France a gagné 2 places par rapport à l’année 2022 et figure désormais à la 24e place du classement 2023. L’Hexagone fait donc partie des 57 pays où les conditions d’exercice du journalisme sont «plutôt bonnes». Si la liberté de la presse est garantie dans le pays, «les reporters ont fait toutefois l’objet de nombreuses attaques physiques» notamment depuis le début du mouvement de contestation contre la réforme des retraites.

Afrique et Moyen-Orient

En Afrique du Nord, la situation de la liberté de la presse reste préoccupante. En Algérie (136e), l’emprisonnement des journalistes est monnaie courante. D’ailleurs, les sénateurs algériens ont adopté, le 13 avril dernier, une nouvelle loi sur l’information renforçant l’encadrement du travail des journalistes et introduisant de nouvelles restrictions et sanctions en cas d’infractions. Ainsi, il est désormais interdit aux médias de bénéficier de tout «financement» ou «aide matérielle directe et indirecte de toute partie étrangère» sous peine de «sanctions pénales prévues par la loi».

Au Maroc (144e), les journalistes subissent aussi une pression continue et sont parfois incarcérés. Concernant ce pays, le groupe de travail des Nations unies a pointé, à son tour, «des atteintes graves aux droits humains».

Pour le reste de l’Afrique, plusieurs menaces planent sur les journalistes, la première étant les bandes armées dont les violences se sont accentuées ces dix dernières années. «Être dans la peau d’un journaliste au Sahel signifie devoir faire face à des bandes armées radicales de plus en plus présentes qui n'hésitent pas à assassiner des journalistes, quand elles ne les enlèvent pas pour s’en servir de monnaie d’échange», a écrit RSF dans un rapport de 40 pages intitulé «dans la peau d’un journaliste au Sahel» et publié en 2022.

Parmi les pays concernés par ce contexte sécuritaire dégradé, on cite également le Cameroun (138e), le Kenya (116e), la Somalie (141e) et le Rwanda (131e).

Asie et Océanie

En Asie, la liberté de la presse n’est pas à l’ordre du jour. D'autant plus que la situation a radicalement empiré ces dernières années, notamment avec le coup d’État en Birmanie (173e) en 2021, et l’arrivée au pouvoir des talibans en Afghanistan (152e) la même année. Ces deux phénomènes ont marqué une aggravation de la situation des journalistes qui subissent désormais différentes formes d’intimidation, de censures et de menaces de mort.

Mais la répression des journalistes ne s’arrête pas qu’à ces deux pays. À cette liste s’ajoutent la Chine, la Corée du Nord, le Viet Nam et Singapour, tous en bas du classement établi par RSF.

En Inde, au Sri Lanka ou aux Philippines, les journalistes peuvent subir une violente campagne de harcèlement. Sans oublier l’Iran qui, après la mort de Mahsa Amini, s’est attaqué aux manifestants et principalement aux employés des médias, avec notamment l’arrestation d’Elahe Mohammadi, une journaliste ayant couvert l’enterrement de la jeune kurde iranienne, morte trois jours après son arrestation par la police des mœurs à Téhéran.

Néanmoins, et bien que la majorité de la région Asie-Pacifique figure en «zone rouge» pour les journalistes, quelques exceptions sont à noter. C’est le cas de Taïwan (35e), de la Nouvelle-Zélande (13e) ou encore des îles Samoa (19e). 

Amérique et Caraïbes

Aucun pays de la zone Amérique - Caraïbes ne figure en vert dans le classement 2023 de RSF. Depuis le Covid-19, les États du Continent ont montré une certaine «méfiance» à l’égard de la presse en divulguant, à moitié, les informations liées à la crise sanitaire.

Première puissance mondiale, les États-Unis se placent au 45e rang malgré la volonté de l'administration Biden d'afficher de meilleures dispositions envers les journalistes. «La persistance des difficultés économiques des médias, l’assassinat de deux journalistes (Jeff German en 2022, et Dylan Lyons en 2023), la fin des efforts visant à soutenir la liberté de la presse au niveau législatif (PRESS Act), mais aussi les attaques persistantes de l’ancien président Donald Trump contre les médias, expliquent la légère baisse du pays dans l’édition 2023», argue l'ONG.

Au Nicaragua (158e), les journalistes sont stigmatisés et confrontés à des campagnes de harcèlement. Il est difficile de parler de liberté de la presse après la condamnation, à neuf ans de prison, du journaliste sportif Miguel Mendoza de la Radio Catolica, en raison de son opposition au président Daniel Ortega. 

À Cuba (172e), les employés de médias sont envoyés en prison avec l'appui du Code pénal qui, désormais, «permet au gouvernement de continuer légalement d’intimider et de persécuter les journalistes critiques du régime».

Enlèvements, séquestrations et emprisonnements... Le sort réservé aux journalistes au Mexique (128e) n'est pas plus enviable. Classé 128e par RSF en 2023, ce pays reste l'un des plus dangereux et meurtriers au monde, où la spirale de violence contre la presse est devenue une norme. 

«L’extrême violence des cartels, et leur collusion fréquente avec les pouvoirs locaux, continuent de détruire un peu plus le journalisme», a écrit RSF.

Pour rappel, rien qu'au Mexique, 150 journalistes ont été tués depuis l'année 2000. 

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