La Cour suprême des Etats-Unis examine ce mardi 21 février une loi datant de 1996 qui protège les géants du numérique des poursuites liées aux contenus diffusés sur leurs plate-formes. La décision de la plus haute juridiction américaine pourrait avoir de très grosses conséquences sur l’avenir d’Internet.
Les géants de la tech suspendus à la décision des neufs Sages. A partir de ce mardi, la Cour suprême américaine examine, au travers d’un dossier portant sur les attentats de 2015 à Paris, une loi protégeant les géants du web d’éventuelles poursuites judiciaires liées à la diffusion de certains contenus sur leurs plate-formes.
Le dossier examiné ce mardi, Gonzalez versus Google, vient remettre en question la «section 230» du Communications Decency Act (loi sur la décence des communications), une loi fédérale datant de 1996. Cette loi, adoptée aux prémices d’Internet, édicte que les entreprises du web ne peuvent pas être considérées comme des «éditeurs» et jouissent donc d'une immunité judiciaire pour les contenus qu'elles publient.
Cependant, la plainte déposée en 2016 par les proches de Nohemi Gonzalez, une étudiante américaine décédée lors de l’attaque terroriste du 13 novembre 2015 au bar La Belle Equipe, vient remettre en cause cette loi. En effet, les parents de la jeune femme ont reproché à YouTube d’avoir recommandé des vidéos de propagande jihadiste à certains utilisateurs. Selon eux, «en recommandant les vidéos de Daesh à ses usagers, Google a aidé l’organisation terroriste à propager ses messages et donc lui a fourni un soutien matériel». Cette plainte avait cependant été écartée par les tribunaux fédéraux en vertu de la section 230.
«La sélection des utilisateurs à qui les vidéos de Daesh ont été recommandées a été faite par des algorithmes créés et gérés par Youtube», a plaidé la famille de Nohemi Gonzalez dans un recours transmis à la Cour suprême pour faire valoir leur point de vue. En acceptant d’étudier ce recours, les neuf juges de la Cour suprême laissent entendre qu’elle serait prête à faire évoluer la loi.
Les réseaux défendent les algorithmes
La perspective d’une évolution de la loi qui rendrait les plate-formes responsables des contenus fait craindre le pire aux géants de la tech, comme Google ou Meta, qui détiennent YouTube, Facebook et Instagram, ou encore Twitter et Reddit. Ces plate-formes affirment que les recommandations des algorithmes permettent d’organiser et de trier les millions d’éléments qui sont publiés chaque jour sur les plate-formes. «Compte tenu du volume considérable de contenu sur Internet, les efforts pour organiser, classer et afficher le contenu de manière utile et attrayante pour les utilisateurs sont indispensables», ont déclaré les avocats de Meta à la Cour suprême, selon CBS News.
«Les recommandations fournies par les algorithmes permettent de trouver des épingles dans la plus grosse meule de foin de l'humanité», a écrit Google à la Cour, en lui demandant «de ne pas affaiblir une pièce centrale de l'internet moderne». Permettre de «poursuivre les plate-formes pour les recommandations (...) les exposerait à des plaintes pour le contenu de tiers absolument tout le temps», a ajouté Meta dans un autre argumentaire.
Comme le souligne CNN, la Cour suprême doit également étudier cette semaine un autre dossier sur le même sujet, opposant cette fois-ci Twitter à la famille de Nawras Alassaf, un Jordanien décédé en 2017 lors d’un attentat dans une boîte de nuit à Istanbul. Ses proches avaient attaqué Twitter, Google et Facebook pour avoir laissé des contenus terroristes circuler. Les deux décisions concernant ces dossiers doivent être rendues avant le 30 juin.