Affirmant avoir recueilli «des centaines» de preuves de crimes de guerre commis en Ukraine, le procureur Peter Frank veut traduire les responsables en justice.
Pour Peter Frank, procureur général allemand, il ne fait aucun doute que la Russie s'est rendue coupable de crimes de guerre en Ukraine. Ce dimanche 5 février, il a affirmé que ses services, qui enquêtent sur ce conflit depuis mars 2022, ont réuni «des centaines» de preuves en ce sens.
Interrogé par le journal Welt am Sonntag, le magistrat a indiqué que la plupart de ces éléments avaient été recueillis lors d'interviews avec des réfugiés ukrainiens, afin de «se préparer pour un éventuel procès dans l'avenir - que ce soit en Allemagne ou avec l'un de nos partenaires internationaux ou via une cour internationale».
Ses services n'enquêtent pas «sur des personnes en particulier», mais réunissent plutôt «des informations et des preuves». «En ce moment nous nous concentrons sur Boutcha et les attaques sur les infrastructures civiles en Ukraine», a ajouté Peter Frank.
A Boutcha, dans la banlieue de Kiev, des centaines de corps avaient été découverts en mars 2022, après que l'armée russe a été chassée. Le massacre avait suscité une vague d'indignation et d'accusations à l'égard de la Russie, qui a toujours clamé son innocence.
Le principe de la juridiction universelle
Mais Peter Frank, lui, refuse que cela reste impuni. Il appelle à la mise en place d'un mécanisme international pour traduire les responsables de ces crimes de guerre en justice. Sa démarche vise «les dirigeants - ceux qui ont pris la décision de faire la guerre - et ceux qui, au plus haut niveau de l'armée, appliquent cette décision».
En janvier dernier la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, s'était elle aussi penchée sur la question, se disant favorable à la création d'un tribunal spécial pour poursuivre les dirigeants russes après l'invasion de l'Ukraine. Elle imaginait alors un tribunal basé à l'étranger, avec des juges internationaux.
Peter Frank est conscient lui aussi qu'il ne peut traduire en justice en Allemagne des personnes suspectées de crime de guerre, à moins qu'elles ne se trouvent sur le sol allemand. Aussi, sa démarche s'appuie sur le principe de la juridiction universelle, qui permet de poursuivre les crimes les plus graves quel que soit le lieu où ils ont été commis.
Son bureau l'a déjà fait auparavant, pour juger des Syriens concernant des faits commis durant la guerre civile. Un groupe de personnes originaires de Birmanie a par ailleurs usé de ce même principe le mois dernier. Elles ont déposé, en Allemagne, une plainte contre la junte militaire birmane, l'accusant de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité.