Les tensions sont vives du côté de la République démocratique du Congo (RDC). Les autorités accusent le Rwanda de soutenir les rebelles du M23 qui ont mis la main ces derniers mois sur de larges pans de territoire dans l’est du pays.
Un conflit qui prend de l'ampleur. Alors que les Etats-Unis accueillent ce mardi une cinquantaine de dirigeants africains à l’occasion d’un sommet de trois jours, les tensions sont vives du côté de la République démocratique du Congo (RDC). Le M23 qui s’est emparé ces derniers mois de larges pans de territoire dans l’est du pays, et le Rwanda est accusé de le soutenir.
Le M23, pour «Mouvement du 23 mars», est un mouvement armé ayant fait parler de lui pour la première fois en 2012, quand il a occupé Goma (nord-est) pendant dix jours, avant d'être vaincu l'année suivante par l’armée du pays. Il a repris les armes fin 2021, en reprochant à la RDC de ne pas avoir respecté des engagements sur la réinsertion de ses combattants.
De plus, la RDC accuse son voisin rwandais de soutenir le M23, une information confirmée parce des experts de l'ONU et relayée publiquement par les diplomaties américaines et belges, bien que Kigali (Rwanda) démente.
Plusieurs massacres dans l’est de la RDC
Les combattants du M23 sont eux-mêmes accusés d'avoir commis des atrocités. Selon un rapport préliminaire de l'ONU, ils ont tué au moins 131 civils et violé 27 femmes et filles dans deux villages voisins fin novembre.
Cette rébellion, composée majoritairement de membre de la communauté Tutsi, s'est emparée ces derniers mois de vastes portions du territoire de Rutshuru, au nord de la capitale provinciale du Nord-Kivu, Goma. Les rebelles sont également accusés d'enlèvements et pillages commis sur la population civile en représailles d'une attaque de groupes armés, essentiellement de la communauté Hutus.
Dans un communiqué, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a «fermement condamné» le massacre et «exhorté le M23 et tous les autres groupes armés à cesser immédiatement les hostilités et à désarmer sans condition». Un texte a d’ailleurs été adopté vendredi 9 décembre afin de permettre plus d’aide humanitaire, malgré les nombreuses sanctions onusiennes dans plusieurs pays d’Afrique.
La France s’est également dite «horrifiée» par les massacres, soutenant l’enquête de l’ONU basée sur des témoignages de rescapés des villages de Kishishe et de son voisin Bambo.
Le spectre des «minerais de sang» plane toujours
Pour mieux comprendre les origines du conflit entre les deux pays, il faut remonter à 2003, la RDC sortant à peine de la Deuxième guerre du Congo débutée en 1998. Il s’agit du plus important conflit interétatique de l’histoire de l’Afrique contemporaine, ayant entraîné le plus lourd bilan humain depuis la Seconde Guerre mondiale, soit plus de trois millions de morts, ainsi qu’un million de déplacés.
Néanmoins, suite à cet événement, l’Etat «failli», terme défini par le géopolitologue américain Robert Rotberg, n’a plus la mainmise sur le pays et des mouvements armés hétéroclites s’implantent. Ils font du Kivu un territoire de guérillas, où les factions se disputent les ressources minérales de la région, dites les «minerais de sang».
Extrêmement riche en cobalt et coltan, deux minéraux cruciaux pour l’industrie mondiale, le territoire du Kivu est le théâtre d'une guerre en 2004. Le gouvernement de la RDC est alors opposé aux factions présentent dans la région. Cette guerre est toujours active aujourd'hui.
Le M23 voit alors le jour en 2012, soupçonné aujourd’hui d’être soutenu en secret par le Rwanda. Le pays étant lui-même accusé de piller ces ressources, devenu le premier puis le troisième exportateur de coltan au monde, alors qu’il n’en possède nullement sur son propre territoire.
Les Tutsis congolais menacés et stigmatisés
Principalement composé de personnes Tutsis, le M23 a augmenté la pression sur les Tutsis congolais. Le gouvernement de Kinshasa accuse directement les Tutsis congolais de sympathie envers le M23. De plus, certains considèrent les Tutsis congolais comme des immigrés rwandais plutôt que des natifs du Congo, même s'ils vivent dans les collines du Nord-Kivu depuis des générations.
Souvent stigmatisés pour leur «nez droit», plusieurs témoignent d’intimidations voire même de menaces physiques d’après les sources de l’AFP. Une fois l’offensive rebelle lancée en 2012, une vague de discours de haine contre les Tutsis s’etait alors déversée sur les réseaux sociaux, appelant à les chasser vers le Rwanda.
Emmanuel Runigi Kamanzi, président d'une association d'éleveurs du Nord-Kivu, affirme que ses ancêtres Tutsis sont arrivés dans la région au Moyen-Age. «On est chez nous», déclare-t-il, déplorant les tendances extrémistes alimentées selon lui par les groupes armés Hutus congolais «maï-maï» et «Nyatura», signifiant «ceux qui frappent sans pitié».
Ce conflit fait écho directement aux racines même des tensions à l’origine du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, ayant fait 800.000 morts selon l’ONU.