Rien ne va plus entre Paris et Berlin. Les deux capitales ont reporté le conseil des ministres franco-allemand prévu mercredi prochain en raison de nombreux désaccords sur les sujets de défense ou d'énergie.
De l'eau dans le gaz entre les deux rives du Rhin. Les divergences accumulées entre la France et l'Allemagne ont conduit au report à janvier du Conseil des ministres franco-allemand, prévu le 26 octobre à Fontainebleau.
Après avoir échangé en marge du conseil européen, le chancelier allemand Olaf Scholz et le président français Emmanuel Macron se rencontreront à nouveau à Paris, mercredi, pour tenter d'apaiser les tensions. Car entre les deux hommes, les sujets de discordes ne manquent pas.
Défense : un bouclier anti-missile qui ne passe pas
C'est le dossier le plus brûlant. Jeudi 13 octobre, l'Allemagne a convaincu 14 pays européens membres de l'Otan (dont le Royaume-Uni, la Belgique, la République tchèque, la Hongrie...) de créer un «bouclier du ciel européen» basé sur le système israélien «Arrow-3» complété par des missiles américains «Patriots».
L'initiative, qui repose en grande partie sur des technologies extra-européennes, n'est pas du tout du goût d'Emmanuel Macron, attaché à la souveraineté de l'UE. Le projet même d'un bouclier anti-missiles ne semble pas séduire l'Elysée, qui s'agace en coulisses d'une «relance de la course aux armements en Europe».
Autre sujet sensible, le Système de combat aérien du futur (Scaf), devenu un serpent de mer de la relation franco-allemande. Ce projet, lancé en 2017 et censé remplacer en 2040 les Rafale français et Eurofighter allemands et espagnols, est victime de querelles sur le partage des tâches entre Paris, Berlin et Madrid. Les contrats permettant d'engager cette nouvelle phase n'ont toujours pas été passés, faute d'accord entre le Français Dassault Aviation et son partenaire principal Airbus, représentant les intérêts de l'Allemagne et de l'Espagne.
prix du gaz : le plafonnement fait débat
La France a commencé pour la première fois mi-octobre à acheminer directement du gaz vers l'Allemagne. Mais derrière ce symbole fort de solidarité se livre en coulisse un bras de fer à l'échelle européenne sur le plafonnement du prix du gaz.
La première économie européenne, particulièrement énergivore, s'oppose à ce mécanisme craignant que les vendeurs de gaz se tournent vers d'autres marchés si on leur impose un prix maximum. Emmanuel Macron plaide lui, comme 14 autres Etats membres, pour un plafonnement. La Commission doit encore se prononcer sur le sujet.
La situation énergétique nourrit d'autres tensions entre les deux pays. Les écologistes, alliés d'Olaf Scholz en Allemagne, n'hésitent pas, par exemple, à dénoncer l'état des centrales nucléaires françaises, qui obligerait Berlin à compenser les manques avec de l'électricité provenant de centrales au gaz.
france et allemagne : chacun pour soi ?
Depuis plusieurs semaines, Paris et Berlin se reprochent des décisions prises sans concertation. Fin septembre, le chancelier allemand avait ainsi été accusé d'égoïsme après avoir annoncé fin septembre un plan de soutien à 200 milliards d'euros pour l'économie allemande, non concerté avec ses partenaires.
Côté français, c'est sans concertation avec Berlin que Paris a annoncé jeudi un projet d'infrastructure mettant fin à des années de blocage. La France, l'Espagne et le Portugal ont annoncé un accord pour remplacer le projet de gazoduc MidCat par un pipeline sous-marin entre Barcelone et Marseille, destiné à acheminer du gaz puis de l'hydrogène vert.
Lancé initialement en 2003, ce projet MidCat (pour Midi-Catalogne), était défendu par Lisbonne, Madrid et Berlin mais se heurtait à l'opposition de Paris. Il visait à relier les réseaux gaziers français et espagnol via un pipeline de 190 km passant par les Pyrénées.