Le très convoité prix Nobel de littérature a été décerné ce jeudi 6 octobre à l'écrivaine Annie Ernaux.
Le prix Nobel de littérature couronne la Française Annie Ernaux «pour le courage et l'acuité clinique avec lesquels elle dévoile les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle», a déclaré le jury.
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The 2022 #NobelPrize in Literature is awarded to the French author Annie Ernaux “for the courage and clinical acuity with which she uncovers the roots, estrangements and collective restraints of personal memory.” pic.twitter.com/D9yAvki1LL— The Nobel Prize (@NobelPrize) October 6, 2022
Pour l'auteure de 82 ans, qui succède ainsi au romancier tanzanien Abdulrazak Gurnah, cette récompense est «un très grand honneur».
«un très grand honneur»
«Je considère que c'est un très grand honneur qu'on me fait et pour moi en même temps une grande responsabilité, une responsabilité qu'on me donne en me donnant le prix Nobel», a réagi la lauréate auprès de la télévision suédoise SVT. «C'est à dire de témoigner (...) d'une forme de justesse, de justice, par rapport au monde», a-t-elle ajouté.
Née le 1er septembre 1940 à Lillebonne (Seine-Maritime), Annie Ernaux a écrit une vingtaine de récits, tous publiés chez Gallimard, dans lesquels elle dissèque le poids de la domination de classes et la passion amoureuse, deux thèmes ayant marqué son itinéraire de femme déchirée en raison de ses origines populaires.
une oeuvre autobiographique
Elle est connue pour son style clinique, dénué de tout lyrisme, qui fait l'objet de nombreuses thèses, et ses romans à caractère autobiographique. Parmi eux, «Les Armoires vides», son premier livre paru en 1974, dans lequel elle raconte son avortement illégal en 1964, via le personnage de Denise Lesur, une jeune étudiante en lettres modernes. Un sujet sur lequel elle reviendra dans «L’événement» (2000), adapté en 2021 au cinéma par Audrey Diwan (Prix Lumières et Lion d'Or à Venise).
L’écrivaine a également signé «La Place», récompensé par le prix Renaudot 1984, au fil duquel elle relate ses souvenirs d’enfance, et plus précisément la vie de son père. On lui doit aussi «Les Années», en 2008, qui a obtenu le Prix Marguerite-Duras, le Prix François-Mauriac 2008, ainsi que le Prix Strega de la littérature européenne 2016.
Dans cet ouvrage, la romancière donne à ressentir le passage des années, de l'après-guerre à aujourd'hui. A travers l'allusion à des objets, des mots, des chansons, des émissions de télévision, elle restitue une vérité de son temps. Annie Ernaux a d’ailleurs été finaliste du Booker International Prize pour ce livre, après sa traduction en anglais.
«Une femme qui écrit, c'est tout»
En 2016, elle publie «Mémoire de fille», où elle replonge dans l’été 1958, et évoque sa première expérience sexuelle avec un homme. Pour Annie Ernaux, l'écriture est devenue un moyen d'atteindre et de dire avec authenticité l'expérience intime de sa condition féminine. Elle aborde aussi l'échec de son mariage dans «La femme gelée» (1981), ou encore son cancer du sein dans «L'usage de la photo» (2005).
Installée depuis 1977 à Cergy-Pontoise, elle a d'autre part consacré de nombreux écrits sur cette ville nouvelle de banlieue parisienne, décrivant la vie de ses semblables qu'elle croise dans les supermarchés ou le RER. Dans «Le journal du dehors» (1993), «La vie extérieure» (2000) ou «Regarde les lumières mon amour» (2014), elle fait entrer en littérature des sujets banals, toujours avec cette même rigueur d'ethnographe.
Véritable icône féministe pour plusieurs générations, Annie Ernaux a confié en mai à l'AFP simplement se sentir «femme. Une femme qui écrit, c'est tout».
Plusieurs personnalités ont salué le sacre de l'écrivaine, dont Emmanuel Macron. «Annie Ernaux écrit, depuis 50 ans, le roman de la mémoire collective et intime de notre pays», a tweeté le président de la République. «Elle rejoint par ce sacre le grand cercle de Nobel de notre littérature française», a-t-il ajouté.
Annie Ernaux écrit, depuis 50 ans, le roman de la mémoire collective et intime de notre pays. Sa voix est celle de la liberté des femmes et des oubliés du siècle. Elle rejoint par ce sacre le grand cercle de Nobel de notre littérature française.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) October 6, 2022
Annie Ernaux est la seizième personnalité française à recevoir la prestigieuse récompense depuis le début du XXe siècle. Le dernier auteur en date était Patrick Modiano, en 2014.