Ce lundi 25 juillet, les Tunisiens sont invités à se rendre aux urnes afin de se prononcer sur une nouvelle Constitution lors d’un référendum qui a de fortes chances d’être adopté. Cette date marquera un tournant pour la Tunisie qui pourrait rebasculer, dès ce soir, vers un régime ultra-présidentialiste, au risque d’une dérive dictatoriale.
Une Constitution qui a fait couler beaucoup d’encre. Après des mois d’attentes, de colère, de manifestation et de protestation, plus de 9 millions de Tunisiens sont appelés ce lundi à se prononcer sur une nouvelle loi fondamentale lors d’un référendum constitutionnel mis en place par le président Kaïs Saied.
À travers cette nouvelle Constitution, le président tunisien souhaite combattre Rached Ghannouchi et son parti d’inspiration islamiste Ennahdha (Renaissance) en jouissant de vastes prérogatives sans devoir rendre de comptes.
Sur les réseaux sociaux, les soutiens au président se multiplient. À la Maison de la Tunisie à Paris, les Tunisiens sont optimistes.
«On est derrière le Président. C'est l'avenir de mes enfants et arrière-petits-enfants. On ne laissera pas notre pays aux islamistes d'Ennahdha», nous raconte une Tunisienne venue voter. «Ce parti ne nous représente pas, ce n'est pas cela la Tunisie. On ne vit pas dans l'époque de l'obscurantisme», a-t-elle ajouté
Son compagnon, lui, partage le même avis. «La voix de chaque Tunisien compte. La mienne, celle de ma femme, celle de mes parents et celle de mes grand-parents. Tout le monde doit voter pour que cette Constitution passe. Si l'on veut changer l'avenir de la Tunisie, il faut adopter le nouveau texte», nous dit-il.
Cependant, les opposants à cette Constitution accusent Kaïs Saied, pharaon de la Tunisie, de vouloir prendre seul les règnes du pays. «En 2011, on a fait la révolution pour mettre la dictature à la porte. On n'a pas fait tout cela pour que, au final, on retombe ci-bas. C'est un coup d'État. C'est une marche-arrière. La Tunisie est un pays démocratique, et non pas ultra-présidentialiste», s'indigne, quant à lui, un Tunisien venu voter.
Un régime ultra-présidentialiste
Le nouveau texte instaure un régime ultra-présidentialiste tout à fait différent que celui connu par les Tunisiens depuis l’indépendance qui limitait volontairement le rôle du chef de l’État. Cela donne le droit au président de proposer des textes législatifs «à examiner en priorité» à l’Assemblée nationale et permet au président de nommer le chef de gouvernement et les ministres sans avoir besoin d’avoir la confiance du Parlement.
Aussi, le premier homme de l’État ne peut en aucun cas être destitué.
Pour limiter la casse, Kaïs Saïed s’attaque directement à son opposition, et en l’occurrence, le parti islamiste en limitant ses pouvoirs.
En effet, la nouvelle Constitution permet au Parlement de voter une motion de censure pour faire tomber le gouvernement, mais celle-ci doit être à majorité des deux tiers pour avoir son effet, ce qui est difficile. Au cours de la deuxième tentative de vote, le président aura le choix entre remanier son gouvernement ou dissoudre le Parlement.
L’Islam, d’une religion d’État à une religion de la Nation
Alors que depuis 1956, et jusqu’à 2014, l’article 1 de la Constitution tunisienne stipulait que la «Tunisie est État libre, indépendant et souverain, l'Islam est sa religion, l'arabe sa langue et la République son régime», celui-ci sera raccourci.
Désormais, ce même article indiquera seulement que «la Tunisie est un État libre, indépendant et souverain». L’article 5, quant à lui, fera mention de l’Islam en indiquant que «la Tunisie appartient à la communauté (oumma) islamique» et il «incombe à l'État seul d'œuvrer, dans un système démocratique, à la réalisation des finalités de l'islam en matière de respect de la vie humaine, de la dignité, des biens, de la religion et de la liberté».
En attendant, le parti d’inspiration islamiste Ennahdha et diverses ONG ont appelé au boycott du référendum craignant le retour à un régime «dictatorial» comme celui de Zine El Abidine Ben Ali, renversé par la Révolution de 2011.