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Tensions avec la Russie : «Il ne faut pas croire que la situation est gelée», estime Harold Hyman

Les Ukrainiens se préparent à un assaut russe, ici un exercice militaire à Pripiat, au nord-est de l'Ukraine. [Sergei Supinsky / AFP]

Les tensions entre Occidentaux et Russes sur le dossier ukrainien ne sont pas retombées malgré la multiplication des pourparlers. A quelques jours de la visite d'Emmanuel Macron à Moscou, Harold Hyman, journaliste au service international de CNEWS, décrypte les enjeux de la crise.

Alors que des dizaines de milliers de soldats russes sont toujours postés à la frontière avec l'Ukraine, où en sont les négociations ?

Les négociations sont très intenses. Outre les discussions entre chefs d'Etat et de gouvernement, les contacts entre conseillers diplomatiques sont incessants - et pas tous médiatisés. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les relations entre l'Occident et la Russie ont toujours été foisonnantes, régies par de nombreux traités et animées de rencontres, d'inspections, etc. Il ne faut pas croire que la situation est gelée. Au contraire, je dirais que la situation est très fluctuante et que tout est possible. Ce qui est bloqué, c'est qu'au sommet des Etats, personne n'a encore dit ce qu'il était prêt à lâcher.

Le Kremlin a exigé que les Etats-Unis et l'Otan s'engagent par écrit à rejeter l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan. Les Etats-Unis peuvent-ils accéder à cette demande ?

Les Etats-Unis ont fermement refusé car plus qu'une non-adhésion à l'Otan, la Russie souhaite neutraliser totalement l'Ukraine. Et cela aurait des implications énormes. Dans l'idée du Kremlin, cela voudrait dire qu'il n'y aurait plus de partenariat entre l'Ukraine et l'Otan, plus d'exercices militaires en Ukraine, et que les Etats-Unis ne pourraient plus jamais vendre d'armes à l'Ukraine.

En effet, le Kremlin ne croit pas à la fiction d'une Ukraine surarmée qui ne serait pas membre de l'Otan tout en disposant de tous ses attributs. Aux yeux de la Russie, l'Ukraine devrait donc cesser de poursuivre sa démarche d'«otanisation» entamée depuis plusieurs années et arrêter son réarmemement qui vise à lui permettre d'atteindre les critères d'adhésion à l'alliance. Le Kremlin veut une Ukraine neutre, mais jusqu'où ? C'est toute la question.

Quels sont les leviers pour résoudre la crise ?

Il existe plusieurs points de négociations secondaires qui pourraient faire bouger les choses. Par exemple, la reprise des discussions sur les forces nucléaires intermédiaires est prometteuse. Elles avaient été interrompues, Américains et Russes s'accusant mutuellement de ne pas respecter les règles. Il y aussi la question des missiles. Les Américains ont installé deux systèmes anti-missiles en Roumanie et en Pologne, soi-disant pour stopper les missiles iraniens. Cela a été perçu par les Russes comme un acte hostile, à raison selon moi, et les Américains pourraient revenir dessus.

Tous ces sujets ont été qualifiés de secondaires mais intéressants par Serguei Lavrov, le chef de la diplomatie russe. Effectivement, à partir du moment où les Etats-Unis promettent de ne jamais déployer de missiles en Ukraine, l'«otanisation» du pays devient beaucoup moins menaçante du point de vue du Kremlin.

Emmanuel Macron se rend lundi à Moscou. Quel est son objectif ?

Son but premier est que l'Europe existe dans le jeu diplomatique et, accessoirement, que la France soit en première ligne. L'avantage de la France est de ne pas dépendre du gaz russe, contrairement à l'Allemagne qui a renoncé au nucléaire et ouvert le gazoduc Nord Stream 2. L'autre objectif de la France est de garder en vie les négociations à quatre (France, Allemagne, Russie, Ukraine) sur l'avenir du Donbass. Kiev et Moscou se sont montrés enclins à avancer sur l'application des accords de Minsk, une négociation qui traîne depuis 2014.

Quels sont les atouts français permettant à Emmanuel Macron de négocier ?

La France est à la pointe sur les sanctions européennes contre la Russie. Elle jouit aussi d'un prestige diplomatique et d'une réputation de «grande gueule» sur la scène internationale. Par ailleurs, n'oublions pas que la France est un pays très attractif pour l'élite russe qui vient y passer toutes ses vacances. Vladimir Poutine possèderait lui-même plusieurs maisons en France sous des prête-noms. La France est un vrai pôle culturel pour la nomenklatura russe et je ne pense pas qu'elle soit prête à s'en passer.

Au fond, que veut vraiment Vladimir Poutine ?

On dit souvent que la Russie veut se créer un glacis protecteur autour d'elle. Je pense que cela va au-delà de ça. La Russie veut attirer à elle tous les bassins de population russophones. Le Kremlin ne peut pas supporter que les populations qu'il considère comme russes (en Ukraine, en Biélorussie, dans les pays baltes...) s'éloignent de la Russie.

C'est quelque chose de presque sentimental. Le Kremlin donne l'apparence d'une rationalité mais la vérité c'est que sa politique est dictée par des sentiments nostalgiques de l'URSS et du pan-slavisme.

La Chine a donné son soutien à la Russie sur la question de l'extension de l'Otan. Que doit-on en penser ?

Selon moi, c'est un accord de circonstances. A long terme, la Chine est la principale préoccupation de la Russie. Ces deux pays ont des vues géopolitiques qui entrent en collision. Vladivostok, à l'extrême-orient de la Russie, est un territoire qui était chinois il y a deux siècles. La Chine pourrait très bien faire avec Vladivostok ce que la Russie a fait avec la Crimée. Et militairement, la Russie ne fait pas le poids.

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