Traités comme un «groupe racial inférieur», les Palestiniens sont, selon Amnesty International, victimes d'«apartheid» de la part d'Israël. Cette prise de position, qui a fait l'objet d'une publication de l'ONG, a immédiatement été rejetée par l'Etat hébreu, qui dénonce des «mensonges».
Amnesty International n'est pas la première organisation a utiliser le terme d'«apartheid» pour désigner les politiques d'Israël envers les Palestiniens et les Arabes israéliens, descendants des Palestiniens restés en Israël après la création du pays, en 1948.
Avant elle, Human Rights Watch (HRW) et plusieurs ONG palestiennes et israéliennes ont déjà sauté le pas.
#StopIsraeliApartheid
Comment l’État d’Israël a mis en place un système de domination et d’oppression à l’encontre du peuple palestinien ?
Découvrez notre enquête https://t.co/93qi9bk8io— Amnesty International France (@amnestyfrance) February 1, 2022
Pour rappel, l'apartheid, selon la propre définition d'Amnesty International, correspond à «un système d'oppression et de domination d'un groupe racial sur un autre, institutionnalisé à travers des lois, des politiques et des pratiques discriminatoires».
L'ONG précise en outre que «le crime d’apartheid suppose la commission d'actes inhumains, dans l'intention de maintenir cette domination».
Lors d'une conférence de presse à Jérusalem, la secrétaire générale d'Amnesty, Agnès Callamard, s'est exprimée à ce sujet. «Les politiques cruelles d'Israël de ségrégation, de dépossession et d'exclusion à travers ces territoires tiennent clairement de l'apartheid, a-t-elle déclaré. Qu'ils vivent à Gaza, à Jérusalem-Est, dans le reste de la Cisjordanie ou en Israël, les Palestiniens sont traités comme un groupe racial inférieur et systématiquement dépossédés de leurs droits».
Souhaitant éviter les comparaisons avec l'Afrique du sud, elle a ajouté : «Les citoyens arabes d'Israël ne vont pas avoir la même expérience de l'apartheid que ceux de Gaza, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de régime d'apartheid».
L'ONG accusée d'antisémitisme par Israël
Dès lundi 31 janvier, le ministre israélien des Affaires étrangères, Yaïr Lapid, a demandé à Amnesty International de retirer son rapport qui, selon lui, rapporte «les mensonges répandus par les organisations terroristes». Qualifiant Israël de «démocratie attachée au droit international, ouverte à la critique», il a néanmoins désigné l'ONG comme une «organisation radicale», l'accusant d'antisémitisme. «Je n'aime pas dire que si Israël n'était pas un Etat juif personne chez Amnesty n'oserait s'en prendre à lui, mais je ne vois pas d'autre explication».
Agnès Callamard s'est défendue de telles intentions, insistant sur le fait qu'«une critique des pratiques de l'Etat d'Israël n'est absolument pas une forme d'antisémitisme. Amnesty dénonce fortement l'antisémitisme». «Nous disons qu'en 2021, 2022, il y a de l'apartheid en Israël, nous ne suggérons pas qu'il y avait un système d’apartheid en 1948», a-t-elle ajouté.
A l'heure actuelle, quelque 6,8 millions de Juifs et autant d'Arabes vivent en Israël, à Jérusalem, en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza, où le Hamas, mouvement islamiste considéré comme terroriste par Washington et l'UE, est au pouvoir. Selon les données officielles, Israël impose un blocus sur ce territoire depuis la prise de pouvoir du Hamas, en 2007. Le mouvement islamiste a applaudi le «professionalisme» d'Amnesty après la publication du rapport, de même que l'Autorité palestinienne, qui contrôle une partie de la Cisjordanie occupée.
Le document, diffusé ce mardi 1er février, soutient que les Palestiniens sont considérés comme une «menace démographique» par Israël. Amnesty exhorte ainsi le Conseil de sécurité de l'ONU à imposer un «embargo» sur les ventes d'armes à l'Etat hébreu ainsi que des «sanctions» aux responsables israéliens «les plus impliqués dans le crime d'apartheid».
Déjà visé par une enquête de la Cour pénale internationale (CPI) pour «crimes contre l'humanité» envers les Palestiniens, Israël mène actuellement une campagne diplomatique pour s'assurer le soutien des pays occidentaux. Jugeant qu'il est temps pour la communauté internationale d'en finir avec la «fatigue» du conflit israélo-palestinien, qui semble sans issue, Amnesty a pour sa part demandé à la CPI «d'ajouter le crime d'apartheid» à ce dossier.