Huit ans après l'affaire Snowden, un nouveau scandale de cyberespionnage mis au jour. Les téléphones de milliers de journalistes, militants, avocats et autres responsables politiques ont été espionnés par de nombreux pays, via un logiciel israélien, appelé Pegasus, révèle une enquête publiée dimanche par plusieurs médias internationaux.
Le consortium de journalistes Forbidden Stories et l'ONG Amnesty International ont eu accès à une liste de 50.000 numéros de téléphone ciblés depuis 2016 en vue d'une surveillance potentielle par une dizaine de pays, par le biais de ce logiciel espion développé par la société israélienne NSO Group. Elle a ensuite été partagée à 17 grands médias internationaux, dont Le Monde et Radio France dans l'Hexagone, ainsi qu'au Guardian ou au Washington Post à l'étranger.
Il ressort de leur analyse que les pays clients de Pegasus, parmi lesquels on retrouve l'Inde, l'Arabie saoudite, la Hongrie, le Mexique, le Maroc ou encore le Rwanda, ont détourné Pegasus de son utilisation officielle - la lutte contre le terrorisme et le crime organisé -, pour en faire un outil de surveillance de simples citoyens.
Parmi les cibles de choix figurent les journalistes : 180 d'entre eux ont été visés par ce logiciel espion extrêmement sophistiqué, qui peut aspirer l'ensemble du contenu d'un téléphone portable et même en prendre le contrôle (micro, caméra...), sans que l'utilisateur ait besoin de cliquer sur un lien. La liste inclut également 600 hommes et femmes politiques - dont 13 chefs d’Etat ou de gouvernement, dont l'identité n'a pas encore été révélée -, 85 militants des droits humains, ou encore 65 chefs d'entreprise.
Pegasus semble par ailleurs impliqué dans une affaire à l'écho planétaire : l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, tué en octobre 2018 à Istanbul (Turquie). Une partie de l'entourage de l'éditorialiste critique du régime de Ryad a été infectée par le logiciel, avant et après le meurtre.
Plus de 1.000 Français ciblés
Si la France n'est pas cliente de Pegasus, plus de 1.000 Français ont été ciblés. Ils l'ont été par le Maroc, censé être un pays allié de la France. Selon Le Monde, on y compte une trentaine de journalistes et de patrons de médias français, qui travaillent au Monde, au Canard Enchaîné, au Figaro, à l'AFP pu encore à France Télévisions. Certains noms ont été rendus publics, par exemple ceux d'Edwy Plenel, fondateur de Mediapart, ou de Dominique Simonnot, ancienne du Canard Enchaîné, aujourd'hui contrôleuse générale des lieux de privations de liberté (CGLPL).
Déjà épinglée ces dernières années par plusieurs enquêtes, sur le Qatar ou le Mexique, ainsi pour avoir profité d'une faille de sécurité de WhatsApp en 2019, la société NSO Group a «nié fermement les fausses accusations portées» contre elle dans le cadre de ces nouvelles révélations. Cette enquête «est bourrée de suppositions erronées et de théories non corroborées, les sources ont fourni des informations qui n'ont aucune base factuelle», a-t-elle écrit sur son site internet, ajoutant envisager de porter plainte pour diffamation.