«Chez nous, les femmes sont constamment confinées», raconte Asma, 40 ans, dans un rapport publié ce lundi par l'ONG Human Rights Watch. «Ce que le monde entier est en train de vivre, c'est normal pour une Qatarie.»
C'est sur ce confinement forcé que s'est penché Human Rights Watch dans son rapport. La conclusion est simple : la situation des femmes au Qatar reste critique.
L'ONG a étudié 27 lois quatariennes, ainsi que des réglementations, sites web, formulaires et applications mobiles véhiculées par le gouvernement et par les entreprises privées.
Tutelle masculine
Interrogée par l'ONG, Noora, 20 ans, résume : «Tout ce que je fais est relié à un homme.» Ce système a pour nom la tutelle masculine. Les Qataries ont toutes un «tuteur» homme, souvent leur père ou leur mari, qui exerce une autorité sur elle.
Par exemple, les femmes doivent demander à leur tuteur l'autorisation de se marier. Mais aussi d'obtenir une bourse pour poursuivre leurs études, de louer un logement étudiant, de voyager à l'étranger (lorsqu'elles ont moins de 25 ans)... «J'étais juste autorisée à aller à l'école», raconte Noof Al Madeed, 21 ans. «Si je faisais autre chose, je risquais d'être battue.»
Lorsque les femmes grandissent, leur situation ne s'améliore pas. Elles ne disposent d'aucune autorité sur leurs enfants. Elles ne sont pas reconnues comme leur tutrice, et ne peuvent donc pas choisir leur école, les inscrire dans une association sportive, ou leur ouvrir un compte en banque sans la permission de leur mari.
Flou législatif
Dans les faits, c'est encore pire. La législation qatarienne entretient un flou autour de la tutelle masculine, ce qui permet aux hommes d'en tirer profit. Si les femmes sont censées être «libérées» de la tutelle à 18 ans, ce n'est pas le cas dans la réalité.
De la même manière, les femmes sont - théoriquement - autorisées à travailler sans l'autorisation de leur tuteur. Mais les ministères, institutions gouvernementales et certaines écoles publiques demandent encore une preuve que le tuteur n'y soit pas opposé.
Ce «manque de clareté et d'informations sur l'étendue des lois concernant la tutelle masculine» renforce la discrimination des femmes, indique Human Rights Watch. Certains hôtels refusent par exemple de louer une chambre à une Qatarie de moins de 30 ans. Les femmes ont aussi l'interdiction d'assister à certains événements, ou d'entrer dans des bars. «Ces règles semblent émaner du ministère de l'Intérieur», précise l'ONG. «Mais leur fondement juridique n'est pas clair.»
D'autant plus que le Qatar ne dispose pas de loi anti-discrimation, ou d'organisme permettant de la sanctionner. Cette absence de règles conduit donc à un certain laxisme des autorités. Et en particulier des tribunaux, qui donnent souvent raison aux hommes. C'est ce qui est arrivé à Buthaina, 38 ans, mariée à un homme qui la trompe régulièrement et qui a pris une deuxième femme. «J'ai essayé trois fois de divorcer», raconte-t-elle. «Mais ils sont tout le temps du côté de mon mari.»
Pour mettre fin au «confinement» perpétuel des femmes, Human Rights Watch a listé plusieurs recommandations. L'ONG appelle le Qatar à adopter une loi anti-discrimination, à clarifier la capacité juridique des femmes à 18 ans, et à supprimer ou modifier toutes les lois discriminatoires envers les femmes.