Pour la deuxième fois en trois ans, la télévision d'Etat chinoise se retrouve au coeur d'une vive controverse pour avoir mis en scène, lors de son traditionnel gala télévisé du Nouvel An, des danseurs chinois grimés en Noirs. Cette pratique, appelée «blackface», est en effet considérée comme raciste et, ce faisant, la prestation a suscité de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux.
Selon certaines estimations, le gala télévisé du Nouvel An chinois attire jusqu'à 800 millions de téléspectateurs, ce qui en fait le programme de divertissement le plus regardé dans le monde.
Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que la partie consacrée aux «chansons et danses africaines», l'une des performances de ce méga-show de cinq heures, ait été particulièrement scrutée.
Cela d'autant plus que, pandémie de coronavirus oblige, la plupart des festivités prévues pour marquer le coup d'envoi de l'année du buffle de métal, ont été annulées ou remplacées par des attractions virtuelles.
Dans ces conditions, le choc fut particulièrement retentissant lorsque apparurent à l'écran plusieurs danseurs chinois la peau repeinte en noir.
China's state TV annual tradition for Chinese New Year:
Blackface. https://t.co/Oqv4ILbQsn— Vicci Ho (@vicciho) February 11, 2021
Ce qui devait être une séquence humoristique censée célébrer les liens sino-africains a en effet été perçue par nombre de téléspectateurs comme, au mieux gênante, au pire parfaitement offensante.
Le précédent de 2018
Relayée notamment par Austin Ramzy, le correspondant du New York Times à Hong Kong, la prestation a fait l'objet de ce commentaire émis par un internaute anonyme : «Quelle est la tradition annuelle de la télévision d'État chinoise pour le Nouvel An chinois ? Un 'blackface'».
Une référence en réalité limpide à ce qui s'était produit en 2018 lors du même show télévisé. A l'époque Pékin avait en effet déjà été sous le feu des critiques pour avoir mis en scène plusieurs danseurs grimés en noirs. La séquence, exhumée à nouveau aujourd'hui par de nombreux médias, est même considérée comme plus ridicule et raciste encore pour mettre également en scène un singe aux côtés des danseurs.
For those unfamiliar with the origins of @BlackLivityCN we wrote on the 2018 Blackface incident with the intention of amplifying the voices of many within our community who were already hot in discussion about the community response needed via WeChathttps://t.co/As35wu5k8Z
— Black Livity China (@BlackLivityCN) February 11, 2021
Sur Twitter, le groupe «Black Livity China», qui rassemble des Afrodescendants travaillant en Chine ou dont les activités professionnelles sont étroitement liées à ce pays, s'est ainsi dit «extrêmement déçu», car le gala du Nouvel An chinois ne peut plus avoir l'excuse de ne pas savoir qu'un «blackface» n'est jamais anodin.
Dans l'histoire mondiale, la pratique du «blackface» est en effet héritée de l’exposition des esclaves noirs, au début du XIXe siècle, pour divertir les blancs lors de ventes d’esclaves africains.
Au fil des années, le «blackface» s'est ensuite inscrit dans le théâtre et le cinéma, toujours avec cette notion de «divertissement». Il faudra attendre 1950, et le début des mouvements pour les droits civiques des Afro-Américains, pour que le blackface reprenne sa dimension raciste.
En France, la perception de cette pratique a également évolué ces dernières années. Alors qu'en 2007, le film Agathe Cléry, d’Etienne Chatiliez, présentant une Valérie Lemercier le visage maquillé en noir pour raconter l’histoire d’une directrice marketing raciste, n'avait suscité aucune polémique, dix ans plus tard, il n'en a pas été du tout de même avec le footballeur Antoine Griezmann.
En 2017, le joueur de l’équipe de France de football avait en effet publié sur Twitter une photo sur laquelle on pouvait le voir grimé en joueur de couleur noire, coiffé d’une perruque afro, et vêtu comme un basketteur de l’équipe américaine des Harlem Globetrotters. Un déguisement qui avait contraint l’ancien attaquant de l’Atletico Madrid à retirer sa photo, et à présenter des excuses.