Elle était seule pour rendre la justice. Alors que la police n'avait aucun indice, Mrs Rodriguez, mère de famille mexicaine, a décidé de retrouver elle-même les meurtriers de sa fille.
Son combat a duré trois ans. Trois ans pendant lesquels elle a récolté des indices, «stalké» des profils Facebook, interrogé des passants. Elle est même allé jusqu'à se déguiser, pour suivre les criminels sans être reconnue.
La traque a porté ses fruits. Miriam Rodriguez est parvenue à traîner en justice presque l'entièreté du gang qui a assassiné sa fille Karen, âgée de seulement 20 ans.
Le New York Times a rapporté dans ses colonnes l'impressionnante histoire de cette mère de famille. Selon le quotidien, tout a commencé en 2014, à San Fernando. Cette ville où habitent les Rodriguez traversait alors une période sombre. Le gang des Zetas, ex-branche armée du cartel du Golfe, est en guerre avec ses anciens chefs. Pour se financer, ils enlevaient des innocents et exigeaient des rançons.
Luis Rodriguez, le fils aîné, a évité le danger en s'éloignant quelques temps de San Fernando. Mais sa petite soeur Karen était restée pour terminer l'école avant d'être kidnappée le 23 janvier suivant.
Les rançons
Commence alors le cauchemar de sa mère, Mrs Rodriguez. Alors que cette dernière était absente, travaillant comme nourrice au Texas, Karen a été séquestrée dans la maison familiale. Son calvaire n'a été interrompu que brièvement avec l'arrivée imprévue d'un mécanicien. Prenant peur, les ravisseurs ont décidé de fuir avec Karen.
S'en suivirent de longs mois où les Rodriguez ont tenté de retrouver leur fille. Après avoir payé des rançons, suivi à la lettre les instructions qui leur ont été envoyées, envoyé même de l'argent à d'autres groupes de criminels qui se faisaient passer pour les kidnappeurs, Karen ne leur fut jamais rendue.
Sans baisser les bras, Miriam Rodriguez finit par obtenir un rendez-vous avec le gang des Zetas, qui affirmaient ne pas détenir Karen. Mais Mrs Rodriguez n'a pas oublié le nom d'un de leurs membres : Sama.
La traque
C'est quelques semaines plus tard que, selon le New York Times, Miriam Rodriguez a commencé sa traque, certaine que sa fille était morte. Après s'être entretenue avec le mécanicien, elle finit par obtenir la preuve que le Sama en question était bien impliqué dans le rapt de sa fille. Et c'est en passant de longues heures sur les réseaux sociaux qu'elle a réussi à le localiser et fini par le capturer avec l'aide de la police.
En garde à vue, Sama a révélé le nom d'autres membres du groupe criminel ayant participé au meutre de Karen. C'est l'un d'eux, âgé de seulement 18 ans, qui conduira Mrs Rodriguez au ranch abandonné où le gang a l'habitude d'emmener ses victimes. Des dizaines d'ossements y sont enterrés. Parmi eux : un morceau de fémur appartenant à Karen.
Intraitable, Miriam Rodriguez a poursuivi sa vengeance. Elle est ainsi parvenue à livrer à la police Mrs Betancourt, l'amante d'un des ravisseurs, qui passait certains appels demandant des rançons. Mais les indices se font chaque fois plus ténus. Beaucoup des kidnappeurs de Karen ont été déclarés comme morts ou ont tenté de changer de vie, en devenant par exemple livreur ou chauffeur de taxi.
Mais la détermination de Mrs Rodriguez est sans faille. En trois ans, elle aurait joué un rôle dans l'arrestation d'au moins dix personnes.
La vengeance du cartel
Cette traque l'a rendue célèbre. Et vulnérable. Craignant que le cartel ne veuille se venger, Mrs Rodriguez a demandé une protection au gouvernement. Ce ne sera pas suffisant.
Le jour de la fête des mères, en 2017, elle est tuée par balles devant sa maison. En quelques mois, le gouvernement mexicain a arrêté deux des personnes qui ont tiré, et tué une troisième. Mais les commanditaires de l'assassinat de Miriam Rodriguez demeurent encore impunis à ce jour.
A San Fernando, Mrs Rodriguez est devenue un symbole. Une plaque de bronze a été posée au centre de la place en son honneur. La lutte de Miriam Rodriguez est devenue un exemple pour les familles dont les enfants ont été enlevés - plus de 70.000 chaque année dans le pays -, mais aussi un avertissement.
Au Mexique, aujourd'hui encore, ceux qui luttent contre les gangs criminels trouvent la mort.