C'était l'un des enjeux majeurs de 2016, c'est l'une des inquiétudes pour 2020. Les réseaux sociaux jouent un rôle non négligeable dans les élections à travers le monde, sans qu'il soit pour autant possible de quantifier l'impact exact. Et à quelques jours du scrutin présidentiel américain, la guerre d'influence continue de faire rage, que ce soit sur Facebook, Twitter ou le nouveau venu TikTok.
L'une des interrogations concerne forcément les ingérences russes dans l'élection, largement dénoncées en 2016. Facebook, Twitter ou encore le patron du FBI ont d'ores et déjà expliqué qu'ils avaient repéré des tentatives d'influences de l'électorat en passant par ce biais. Cependant, les méthodes évoluent. Loin des fake news partagées par des robots ou des hackings, les premières activités de ce type repérées par Facebook et Twitter concernent un faux média d'information édité par des vrais journalistes pigistes.
Ces derniers, pensant travailler pour une entreprise de presse engagée, n'étaient pas conscients de leur rôle. «Il n'y a aucune indication que les pigistes n'étaient pas sincères dans leur travail de rédaction», indique un rapport de Graphika, entreprise spécialisée dans l'analyse des réseaux sociaux. Dans ce cadre, la déstabilisation est plus difficile à détecter.
Pour ce qui est de TikTok, Donald Trump fait largement état de ses inquiétudes concernant une utilisation des données des utilisateurs par Pékin. L'application plébiscitée par les moins de 25 ans est en effet détenue par une entreprise chinoise, ByteDance. «Les craintes avancées par le gouvernement américain sont la collecte des données des employés gouvernementaux et des citoyens, la censure d'information en provenance de la Chine ou de l'extérieur, et la diffusion de fake news», explique Yannick Chatelain, enseignant à Grenoble Ecole de Management et spécialiste de la liberté d'expression et du contrôle social sur internet.
Surtout, l'algorithme de cette application, qui compte plus de 90 millions d'utilisateurs aux Etats-Unis, est parfaitement inconnu. Il n'y a pas non plus d'outils pour lutter contre les informations frauduleuses, comme Facebook et Twitter ont pu le faire depuis quatre ans.
Une absence de TikTok ?
Pour autant, malgré les risques, les deux candidats américains ne se privent pas d'utiliser les réseaux sociaux pour s'affronter. Sur Facebook et Twitter, les attaques nominatives et les vidéos de campagnes percutantes sont partagées quotidiennement depuis leurs comptes personnels. Dans ce domaine, la puissance de Donald Trump n'est plus à démontrer. Du haut de ses 87 millions d'abonnés, la moindre de ses paroles est reprise dans les médias, critiquée par ses opposants et partagée par ses supporters.
Etrangement, la stratégie sur TikTok est différente. Ni Trump, ni Biden n'ont de compte sur l'application. C'est d'autant plus surprenant que la politique fonctionne sur le réseau social. Au 29 octobre, le hashtag #Biden2020 comptait plus de 4,6 milliards de vues, contre 13,8 milliards pour #Trump2020. À titre de comparaison, les hashtags #Macron et #EmmanuelMacron ne dépassaient pas les 250 millions de vues.
«Ils jouent à chat perché avec des comptes anonymes utilisés par leurs équipes de campagne», assure toutefois Yannick Chatelain. «Ils utilisent des influenceurs qui lancent des informations. Il y a une certaine hypocrisie car Donald Trump est le premier à l'utiliser pour faire campagne». Il semblerait cependant que le président sortant n'arrive pas autant à convaincre sur ce réseau. Il est admis que son meeting de Tulsa était raté à cause d'utilisateurs de TikTok qui ont acheté des billets sans se rendre au discours, et même sous le hashtag #Trump2020, les vidéos les plus vues sont avant tout des critiques de sa politique.
«Peut-être que cela a renforcé sa rancoeur contre TikTok», analyse Yannick Chatelain, qui explique cependant qu'un rachat partiel de l'application par une entreprise américaine serait avant tout une victoire pour Donald Trump. «Cela serait un grand coup de nationalisme américain contre un géant chinois, avec de la création d'emploi à la clé», explique-t-il. Des ingérences à l'influence en passant par l'économie, les réseaux sociaux sont donc bien l'une des clés majeures de la présidentielle de 2020, mais leur impact réel restera à déterminer dans les mois et années à venir.