La Chine à l'assaut de Mars : le géant asiatique a lancé jeudi une sonde qui va parcourir un long voyage jusqu'à la planète rouge, en pleine rivalité diplomatique et technologique avec les Etats-Unis.
L'engin a été propulsé par une fusée Longue-Marche 5 qui a décollé dans un épais nuage de fumée du centre de lancement de Wenchang, sur l'île tropicale de Hainan (sud), a constaté une équipe de l'AFP.
La sonde n'arrivera pas avant 2021. Elle devra d'abord effectuer en quelque sept mois le long trajet Terre-Mars. La distance varie mais est au minimum de 55 millions de kilomètres - soit 1.400 fois le tour du monde.
Ambitieuse, la Chine espère faire lors de cette première tentative indépendante presque tout ce que les Etats-Unis ont réalisé en plusieurs missions martiennes depuis les années 1960. C'est-à-dire placer une sonde en orbite, poser un atterrisseur sur Mars, puis en faire sortir un petit robot téléguidé afin qu'il mène des analyses à la surface.
La Chine veut entrer dans l'histoire spatiale
En cas de réussite, le lancement donnerait un regain de prestige à Pékin face à Washington, qui vient d'ordonner la fermeture du consulat de Chine à Houston, dernier avatar de l'intense rivalité entre les deux géants du Pacifique.
«C'est manifestement un événement marquant pour la Chine. C'est la première fois qu'elle s'aventure au loin dans le système solaire», indique à l'AFP Jonathan McDowell, astronome au Centre Harvard-Smithsonian pour l'astrophysique, aux Etats-Unis.
«Si elle réussit, ce serait la première fois dans l'histoire qu'un atterrisseur et qu'un robot téléguidé non-américains fonctionnent sur Mars», souligne Chen Lan, analyste pour le site GoTaikonauts.com, spécialisé dans le programme spatial chinois.
La mission a été nommée Tianwen-1 (Questions au ciel-1) en hommage à un poème de la Chine ancienne qui traite d'astronomie.
Le robot pèse plus de 200 kilos, il est équipé de quatre panneaux solaires et de six roues, et sera opérationnel durant trois mois. Parmi ses missions : conduire des analyses du sol, de l'atmosphère, prendre des photos, ou encore contribuer à la cartographie de la planète rouge.
La Chine a déjà une expérience en la matière, puisqu'elle a fait rouler deux petits robots sur la Lune, avec les «Lapins de jade» 1 et 2 - déposés respectivement en 2013 et 2019.
Ces rovers «constituaient un bon entraînement» car les terrains lunaire et martien «sont globalement similaires», selon Jonathan McDowell.
Mais la distance Terre-Mars est 140 fois plus importante que le trajet Terre-Lune. Conséquence : une plus grande lenteur des télécommunications et un voyage plus long durant lequel des défaillances peuvent survenir, souligne-t-il.
De la concurrence
Le pays asiatique n'est pas le seul à profiter de l'actuelle distance réduite Terre-Mars pour propulser une sonde vers la planète rouge : les Emirats arabes unis ont lancé la leur lundi et les Etats-Unis doivent faire de même le 30 juillet.
Une concurrence Chine-USA qui évoque la course à l'espace entre l'URSS et les Etats-Unis à l'époque de la Guerre froide.
«Les mêmes que celles de nombreuses nations spatiales», déclare à l'AFP Carter Palmer, spécialiste de l'espace au cabinet américain Forecast International. «L'exploration spatiale est une source de fierté nationale. L'ambition est également d'améliorer les connaissances de l'humanité vis-à-vis de Mars.»
La Chine investit des milliards d'euros dans son programme spatial, afin de rattraper l'Europe, la Russie et les Etats-Unis. Elle a envoyé son premier astronaute dans l'espace en 2003. La Chine lance également des satellites pour elle-même ou pour le compte d'autres pays. Elle vient d'achever en juin la constellation de son système de navigation Beidou -- rival du GPS américain.
Le géant asiatique prévoit par ailleurs d'assembler une grande station spatiale d'ici à 2022. Et il espère envoyer des hommes sur la Lune d'ici une dizaine d'années.
La Chine avait déjà essayé d'expédier une sonde vers Mars en 2011 lors d'une mission commune avec la Russie. Mais la tentative avait capoté et Pékin avait ensuite décidé de poursuivre l'aventure seul.
«C'est très ambitieux pour un premier essai. A tel point que je serai surpris si la mission est une réussite totale», estime Jonathan McDowell.
«C'est du 50-50», juge Chen Lan. «La Chine échouera peut-être cette fois. Mais elle réussira un jour. Car elle a la volonté, la détermination et suffisamment de ressources financières et humaines pour y parvenir.»