Tout a commencé lorsque le Dr. Roy Philip, néonatologiste à l'University Maternity Hospital Limerick, en Irlande, est rentré de vacances. En plein confinement, le médecin a remarqué qu'en son absence, le fortifiant à base de lait maternel prescrit au grands prématurés n'avait pas été commandé. La raison ? Aucune naissance de ce genre n'a été enregistrée de tout le mois de mars.
Aucune ?! Intrigué, le praticien s'est replongé dans les chiffres. Avec ses équipes, il a comparé les naissances comptabilisées jusqu'ici, en 2020, avec celles des années précédentes, à partir de 2001 et durant la période de janvier à avril.
Delightec to share our latest publication with Prof. Roy Philip showing reduced #prematurebirths during #COVIDー19 in @ul #lifestylechanges #lockdown https://t.co/ZezzClyDCE
— INHA (@IrishNeonatal) June 5, 2020
Pour faciliter leurs recherches ils se sont concentrés sur un indicateur en particulier : le poids des nouveaux-nés, particulièrement révélateur en matière de prématurité. Résultat : ces vingt dernières années, les bébés de moins de 3,3 livres (près d'1,5 kg) représentaient environ huit naissances vivantes sur mille dans cet hôpital irlandais. En 2020, c'est quatre fois moins.
Les recherches ont également confirmé qu'aucune naissance de grand prématuré (ceux qui pèsent moins de 2,2 livres, soit un peu moins d'1 kg) n'a eu lieu à l'University Maternity Hospital Limerick en ce début d'année. Nul besoin de commander du fortifiant, donc. Pourtant, les années précédentes, ces nouveaux-nés, considérés comme les plus fragiles, représentaient trois naissances sur mille.
L'équipe irlandaise a cloturé son étude à la fin avril mais, au terme du mois de juin, le Dr. Philip signalait encore peu de naissances très précoces. Du jamais vu depuis vingt ans selon lui.
NY FORSKNING. Antallet af ekstremt for tidligt fødte børn faldt med 90% under den landsdækkende COVID-19 lockdown periode. Det viser en helt ny undersøgelse, som Rigshospitalet har udført sammen med SSI.https://t.co/yGu1OPt1Xv#COVID19dk #sundpol #sundhed #dkmedier pic.twitter.com/8kAFCzwOkS
— Statens Serum Inst. (@SSI_dk) May 30, 2020
Sans compter qu'il n'est pas le seul à tirer ces conclusions. D'après les informations du New York Times, le Dr. Michael Christiansen et ses collègues du Statens Serum Institut de Copenhague ont mené le même genre de recherches que leurs homologues irlandais. Les résultats montrent que le taux de bébés nés avant 28 semaines a chuté de 90% durant le confinement.
Ces études relèvent pour l'instant d'initiatives locales et n'ont pas été officiellement publiées. Mais leurs résulats étrangement similaires amènent les chercheurs à penser que des enquêtes plus poussées sont nécessaires. Notamment parce que le partage de ces deux rapports a révélé des situations semblables dans plusieurs endroits du monde.
Près de Melbourne, en Australie, les administrateurs du Mercy Hospital for Women ont demandé au directeur du service pédiatrie, le Dr. Casalaz, de mener une enquête pour comprendre pourquoi les bébés prématurés étaient si peu nombreux. Même son de cloche à Calgary, au Canada, où le nombre de naissances précoces a presque chuté de moitié, ou encore au centre médical Erasmus de Rotterdam, aux Pays-Bas, où la baisse est tout de même moindre.
#COVID19 seems to be decreasing the number of infants requiring the #NICU at our institution. Are other folks seeing the same thing? #tweetiatrician #medtwitter #EBNeo #EBNeoCOVID19 pic.twitter.com/pWrDdl24LU
— Stephen Patrick, MD (@stephenwpatrick) April 3, 2020
Face à ce phénomène grandissant, le Dr. Stephen Patrick, néonatologiste à l'hôpital pour enfants Vanderbilt de Nashville (Etats-Unis), a décidé de publier ses propres observations sur Twitter, invitant les autres médecins à témoigner. Certains ont partagé des histoires similaires mais d'autres, dans différents pays, ont à l'inverse indiqué un nombre de bébés prématurés plus élevé dans leur service à la même période.
Paradoxalement, cela constitue une bonne nouvelle puisque le fait que le confinement semble empêcher les naissances précoces dans certains endroits mais pas dans d'autres pourrait permettre d'identifier les facteurs de risque et les moyens de prévenir la prématurité.
A ce niveau-là, les médecins ne peuvent que spéculer pour l'instant, mais le repos fait partie des pistes évoquées. En restant chez elles, les femmes enceintes se sont épargnées le stress lié aux trajets quotidiens et ont sans doute bénéficier de quelques heures de sommeil en plus. Elles pourraient aussi, grâce au confinement, avoir été moins exposées aux infections en tout genre, par exemple la grippe, susceptibles de favoriser les naissances précoces.La réduction de la pollution de l'air, drastique par endroit, n'est pas exclue elle non plus.
Les équipes irlandaise et danoise à l'origine des deux rapports initiaux ont décidé de s'associer pour poursuivre leurs recherches. Depuis des décennies, les médecins peinent à déterminer les causes de la prématurité et échouent ainsi à la prévenir. Le confinement pourrait bien les avoir mis sur la bonne voie.