Un témoignage accablant. En instaurant le confinement une semaine plus tôt, et non le 23 mars, le Royaume-Uni aurait réduit «au moins de moitié le nombre final des morts», ce qui aurait donc pu sauver plus de 20.000 vies, a affirmé mercredi le professeur Neil Ferguson, épidémiologiste star et ex-membre du comité scientifique du gouvernement.
«L'épidémie (de coronavirus) doublait tous les trois à quatre jours avant que les mesures de confinement ne soient introduites», a en effet expliqué devant une commission parlementaire le chercheur de l'Imperial College de Londres, dont les travaux ont eu une influence considérable dans le choix de plusieurs gouvernements, notamment britannique, de mettre en place un confinement strict.
«Même si je pense que les mesures, étant donné ce que nous savions sur ce virus en termes de transmission et de mortalité, étaient justifiées, si nous les avions introduites plus tôt, nous aurions eu beaucoup moins de morts», a-t-il ajouté, le Royaume-Uni déplorant aujourd'hui plus de 41.000 morts du Covid-19, ce qui en fait le deuxième pays du monde le plus endeuillé (derrière les Etats-Unis).
Assailli de questions sur ces déclarations lors de son point presse quotidien sur la pandémie, Boris Johnson a préféré botter en touche. «Franchement, je pense que beaucoup de ces questions sont prématurées», a rétorqué le Premier ministre britannique. «Il y a beaucoup de choses que nous ne savons toujours pas, et cette épidémie est encore loin d'être terminée», s'est-il défendu, soulignant que Neil Ferguson était encore membre du comité scientifique au moment où la décision d'instaurer un confinement a été prise. L'épidémiologiste a été contraint à la démission début mai après avoir enfreint le confinement, en accueillant au moins à deux reprises chez lui une femme, présentée comme sa «maîtresse».
Le niveau de l'épidémie «franchement sous-estimé»
Le chercheur, qui continue malgré tout à conseiller le gouvernement, se défend en expliquant que le confinement a été instauré neuf jours après qu'un rapport de l'Imperial College de Londres - son université - affirme que la stratégie britannique de «mitigation» (visant à ralentir la diffusion du virus sans la stopper) pourrait faire jusqu'à 260.000 morts.
Mais il a toutefois reconnu certaines erreurs. Interrogé sur ses propos en mars, selon lesquels le bilan de l'épidémie au Royaume-Uni ne dépasserait probablement pas les 20.000 morts (la moitié du bilan actuel), il a avoué que les experts - dont lui - avaient «franchement sous-estimé le niveau de l'épidémie dans le pays».
Il a notamment admis que les scientifiques n'avaient pas anticipé la mortalité très élevée dans les maisons de retraite - les chiffres des décès dans ces établissements ne sont pas publiés par le gouvernement. «Nous avons fait l'hypothèse plutôt optimiste que les personnes âgées seraient protégées d'une manière ou d'une autre (...) mais ce n'est pas arrivé», a regretté Neil Ferguson.