«Mes chaussures sont à Auschwitz mais moi je suis en vie ici». Pour Yona Amit et la centaine de rescapés de la Shoah qui assistent jeudi aux commémorations de la libération du camp d'Auschwitz en 1945, les souvenirs refluent d'un lointain passé.
Des leaders de premier plan, comme les présidents russe Vladimir Poutine et français Emmanuel Macron, sont venus prononcer un discours à Jérusalem lors de cet évènement, retransmis dans une salle de Yad Vashem, le mémorial de la Shoah à Jérusalem où des rescapés ont partagé leurs souvenirs avec l'AFP.
Yona Amit, 81 ans, montre des photos de sa famille avant la guerre en Italie, où elle a grandi.
A l'âge de cinq ans, elle échange ses chaussures avec son cousin du même âge, Yitzhak Berger, qu'elle appelait «Yitzouko».
Alors qu'elle réussit à passer à travers la frontière italo-suisse, «Yitzouko» est déporté à Auschwitz et gazé, explique Mme Amit, accompagnée à Yad Vashem de sa petite-fille.
A ses côtés, Fanny Ben Ami a encore du mal à parler de ses parents, assassinés par les nazis, son père au camp de Majdanek et sa mère dans le camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, tous deux situés en Pologne.
Plus d'un million de personnes, dont la plupart étaient juives, sont mortes à Auschwitz-Birkenau.
«J'en ai mal au coeur de dire qu'ils ont été assassinés», confie-t-elle.
A l'âge de 12 ans, elle est devenue malgré elle une résistante en faisant passer un groupe d'enfants de la France vers la Suisse bravant les dangers et risquant sa vie avec ses petits camarades.
Son histoire, immortalisée dans le film «Le voyage de Fanny» (Lola Doillon, 2016), l'a rendue célèbre parmi les rescapés de la Shoah et à presque 90 ans, elle ne cesse de témoigner en Israël et dans le monde.
«Le monde se tait»
Mais pour Fanny Ben Ami, «l'antisémitisme ne sera pas éradiqué».
«Je pense que les leaders du monde entier sont venus surtout pour affirmer que l'antisémitisme est une plaie, mais on repart en arrière et rien ne change», regrette-t-elle auprès de l'AFP, alors qu'augmentent les actes haineux envers les Juifs en Occident.
«La réunion de tous ces dirigeants venus exprimer leur engagement pour la mémoire de la Shoah et le combat contre l'antisémitisme est en soi un événement important», s'est félicité en revanche Avner Shalev, le président de Yad Vashem lors d'une conférence de presse.
Pour Moshe Kantor, président du Forum mondial de la Shoah et organisateur de l'évènement à Yad Vashem, «la vie juive en Europe est menacée».
«Je n'ai jamais été aussi inquiet en ce qui concerne l'augmentation de l'antisémitisme en Europe», a-t-il déclaré avant le début de la cérémonie.
«Je lutte contre l'antisémitisme chaque fois que je témoigne de mon histoire», explique Nahum Rottenberg, 92 ans, à l'AFP.
Les larmes aux yeux, il raconte comment il a été séparé, dès son arrivée à Auschwitz, de ses parents avant même de pouvoir «leur dire au revoir». Et raconte aussi la mort de son unique frère «quelques jours avant la fin de la guerre».
«Aujourd'hui, on tue en Syrie et ailleurs, le monde se tait, je ne pense pas que les choses aient vraiment changé», déplore le vieil homme.