Le Premier ministre maltais Joseph Muscat, soupçonné d'interférences dans l'enquête sur l'assassinat en 2017 de la journaliste Daphne Caruana Galizia, devrait quitter ses fonctions en janvier, selon des sources au sein de son mouvement, le Parti travailliste.
M. Muscat va prochainement annoncer qu'«il y aura une élection pour la direction du parti le 18 janvier», ont indiqué ces sources, précisant qu'il «démissionnera formellement quand le nouveau chef sera choisi».
Dans le système parlementaire maltais, le Premier ministre est systématiquement le chef du parti qui remporte les élections législatives.
Les sources n'ont pas indiqué quand, ni comment - peut-être lors d'une allocution télévisée au pays - M. Muscat ferait une annonce officielle sur ses intentions. Mais elles ont souligné qu'il ne resterait pas à son poste au-delà du 18 janvier.
La pression s'est intensifiée ces derniers jours sur le chef du gouvernement travailliste pour qu'il démissionne immédiatement de ses fonctions.
La famille de la journaliste d'investigation Daphne Caruana Galizia, l'opposition (Parti nationaliste) et des mouvements civiques l'ont accusé d'interférer dans l'enquête en protégeant notamment son bras droit et chef de cabinet, Keith Schembri.
«Vrai commanditaire» ?
Dans la nuit de jeudi à vendredi, M. Muscat a annoncé, au terme d'un conseil des ministres très agité selon des témoins, le rejet d'une mesure d'immunité en échange d'informations pour Yorgen Fenech, un entrepreneur soupçonné d'être l'un des commanditaires du meurtre de la journaliste, arrêté le 20 novembre alors qu'il tentait de fuir l'archipel sur son yacht.
M. Fenech, copropriétaire du groupe familial Tumas (hôtellerie, automobile, énergie) a désigné cette semaine M. Schembri comme le «vrai commanditaire» de l'assassinat.
Le chef de cabinet de M. Muscat a démissionné de ses fonctions en milieu de semaine en même temps que le ministre du Tourisme Konrad Mizzi et le ministre de l'Economie Chris Cardona. Entendu par la police, M. Schembri est cependant ressorti libre jeudi soir, déclenchant la colère de la famille Caruana Galizia.
«Au moins deux témoins et de multiples indices impliquent Schembri dans l'assassinat de notre femme et mère», ont dénoncé dans un communiqué son mari et ses trois fils, en fustigeant un Premier ministre qui «continue de jouer les juges, le jury et l'exécuteur (de peines) dans une enquête qui implique trois de ses plus proches collègues».
Des milliers de manifestants sont descendus vendredi soir dans la rue pour réclamer notamment la démission de M. Muscat. La sixième manifestation en deux semaines, depuis l'arrestation spectaculaire de Fenech, le 20 novembre, alors qu'il fuyait l'archipel sur son yacht de luxe.
«Il a toujours dit qu'il allait partir bientôt et maintenant il sent que le moment est venu. Mais il veut d'abord que (l'enquête sur) le meurtre de Daphne Caruana Galizia soit résolue sous sa supervision comme il l'avait promis», ont indiqué les mêmes sources du Parti travailliste.
M. Muscat, 45 ans, au pouvoir depuis 2013, est à mi-mandat après avoir été réélu en juin 2017 à l'issue d'un scrutin anticipé. Celui-ci avait été convoqué en raison d'accusations de corruption touchant son entourage après la publication des Panama Papers, qui révélaient l'existence au Panama de nombreux comptes offshore ouverts par des entreprises et personnalités du monde entier.
La branche de l'enquête qui concernait Malte avait été creusée par Mme Caruana Galizia avant sa mort dans l'explosion de sa voiture piégée en octobre 2017. Elle avait notamment découvert que des sociétés panaméennes appartenant à M. Mizzi, alors ministre de l'Energie, et au chef de cabinet Schembri avaient reçu 2 millions d'euros d'une société de Dubaï, 17 Black, pour des services non précisés.
Le groupe Daphne Project qui a repris les investigations de la journaliste a découvert que la 17 Black appartenait à Yorgen Fenech, une information corroborée récemment par la magistrature grâce à une série d'arrestations pour blanchiment, dont celle du chauffeur de taxi.
Le Parlement européen a annoncé l'envoi d'une mission à Malte, à une date qui devrait être annoncée lundi, en raison des «interrogations sur l'indépendance du système judiciaire et de graves accusations de corruption aux plus hauts niveaux».