Au Royaume-Uni, la campagne pour les élections générales anticipées du 12 décembre prochain démarre officiellement ce mercredi 6 novembre. Un scrutin décisif, car il doit permettre de sortir de l'impasse sur le Brexit. Mais en fonction du parti qui finira vainqueur, l'avenir du divorce avec l'UE sera radicalement différent.
Dans le cas où les conservateurs du Premier ministre Boris Johnson remportent la majorité absolue - ils sont en tête des sondages, avec entre 38% et 40% des intentions de vote -, le fantasque dirigeant aurait alors les mains libres pour faire adopter par le Parlement son accord de Brexit, conclu avec Bruxelles mi-octobre. Selon la date du vote des députés - puis de celui du Parlement européen -, le Royaume-Uni pourrait sortir de l'UE soit le 31 janvier, date butoir du Brexit, soit le 31 décembre si le «deal» est ratifié avant. Mais pas après fin janvier, Boris Johnson ayant totalement exclu un nouveau report du divorce.
Le pays sortirait alors de l'UE de façon «douce», sans que les liens entre les deux parties soient rompus brutalement, puisqu'une période de transition s'ouvrirait jusqu'à fin 2020, durant laquelle quasiment rien ne changerait dans les relations entre Londres et Bruxelles. Pendant celle-ci, les deux parties négocieraient un accord commercial pour encadrer leurs relations post-Brexit. Cette période serait prolongeable d'un ou deux ans. Sur ce point, les vues de Boris Johnson et de Bruxelles divergent. Le Premier ministre britannique a déclaré qu'il ne voyait «aucune raison» de prolonger la période de transition, estimant que les négociations commerciales «devraient être extrêmement simples», tandis que Michel Barnier, négociateur de l'UE pour le Brexit, a expliqué ce mardi qu'une prolongation pourrait être «nécessaire».
Le Labour veut renégocier l'accord puis un nouveau référendum
Les travaillistes, principaux rivaux des Conservateurs dans cette élection (ils recueillent entre 25% et 30% des intentions de vote), ont de leur côté une stratégie totalement différente sur le Brexit. Si la formation de gauche obtient la majorité absolue aux élections, son leader Jeremy Corbyn - qui deviendrait alors Premier ministre - prévoit tout d'abord d'exclure la possibilité d'un «no deal», avant de renégocier l'accord de Brexit avec l'UE dans les trois mois. Un nouveau texte «raisonnable», qui incluerait notamment le maintien du Royaume-Uni dans une union douanière avec l'UE.
Puis, dans les six mois suivant les élections - vraisemblablement en juin ou en juillet -, le Labour organiserait un nouveau référendum sur le Brexit, proposant aux citoyens deux choix : soit une sortie de l'UE avec l'accord renégocié, soit un maintien dans l'Union. Refusant toujours de lever le voile sur sa préférence, Jeremy Corbyn a affirmé que son parti ne déciderait pas avant les élections pour quel camp il ferait campagne, mais seulement une fois le scrutin passé.
Les Libéraux-démocrates partisans de l'annulation du Brexit
Troisièmes dans les sondages, avec entre 15% et 17% des intentions de vote, les libéraux-démocrates, europhiles comme les travaillistes, ont une position encore plus anti-Brexit que la formation de Jeremy Corbyn. En effet, dans le cas improbable où la formation dirigée par Jo Swinson réussirait à obtenir une majorité au Parlement, elle veut purement et simplement annuler le Brexit, en révoquant l'article 50 du traité sur l'Union européenne, qui a enclenché le divorce.
Une hypothèse farfelue, mais légale, la Cour de justice de l'UE ayant jugé en décembre 2018 que le Royaume-Uni pouvait décider unilatéralement d'arrêter le Brexit. S'ils ne terminent pas en tête des élections mais qu'ils réussissent tout de même à remporter plusieurs sièges, les libéraux-démocrates, dont le slogan est «Merde au Brexit», ont décidé qu'ils pousseraient pour l'organisation d'un second référendum.
Le Parti du Brexit favorable à un «no deal»
De l'autre côté de l'échiquier politique, le Parti du Brexit, la formation europhobe de Nigel Farage, arrivée en tête des dernières élections européennes, rejette l'accord de retrait trouvé par Boris Johnson avec Bruxelles. Ce «n'est pas un Brexit» pour son leader, partisan d'une rupture nette avec l'UE. Ainsi, si le parti d'extrême droite, à 10%-11% dans les sondages, remportait la majorité des sièges lors des élections anticipées - un scénario très hypothétique -, il laisserait tomber le texte de «BoJo», et attendrait seulement la deadline du Brexit, le 31 janvier 2020. Ce qui signifierait un «no deal» à cette date, et donc une sortie brutale du Royaume-Uni, aux conséquences potentiellement catastrophiques pour le pays.
Mais dans un Royaume-Uni plus fragmenté que jamais à cause du Brexit, il est également possible qu'aucun parti n'obtienne la majorité au Parlement, préviennent certains commentateurs. Ce qui ouvrirait une période de négociations entre les différentes formations, afin de trouver une coalition capable de gouverner. Boris Johnson a refusé la semaine dernière l'offre d'alliance du Parti du Brexit, mais elle pourrait revenir sur la table en fonction des résultats des élections. Du côté des anti-Brexit, il est possible d'imaginer une alliance entre les Travaillistes, les Libéraux-démocrates et le Parti national écossais du SNP, leurs divergences de vue sur le Brexit ne semblant pas insurmontables. Cette hypothèse d'un Parlement sans majorité laisse donc imaginer d'innombrables scénarios possibles pour le futur du Brexit.