Un deuxième mandat pour Justin Trudeau, usé par quatre ans au pouvoir, ou un changement de cap avec le jeune conservateur Andrew Scheer ? Les Canadiens décident ce lundi 21 octobre qui formera le prochain gouvernement, lors de législatives à l'issue imprévisible.
Les premiers bureaux de vote ouvriront à Terre-Neuve et Labrador (est) à 8h30 locales. Dans un pays qui s'étale sur six fuseaux horaires, les derniers électeurs voteront en Colombie-Britannique (ouest), mais les premiers résultats sont attendus lundi à partir de 23h00 GMT.
Egalité dans les intentions de vote
Quelque 27,4 millions de Canadiens sont appelés à élire leurs 338 députés à l'issue d'une campagne électorale souvent tendue. Si les sondages disent vrai, ils devraient mettre fin à la majorité absolue dont dispose le Premier ministre sortant depuis sa victoire surprise en 2015.
Car la campagne s'est achevée comme elle a commencé quelque 40 jours plus tôt : sur une égalité quasi-parfaite dans les intentions de vote entre les deux grands partis qui alternent au pouvoir depuis 1867. Du jamais vu depuis des décennies selon les commentateurs.
ci-dessus
Les derniers sondages placent le parti libéral (centre) de M. Trudeau entre 31 et 34% et les conservateurs (droite) entre 32 et 33%. Selon les projections, ces chiffres ne permettraient à aucun de ces deux partis de franchir la barre des 170 sièges qui garantit une majorité absolue.
Dimanche, la voix enrouée par des dizaines de réunions publiques, M. Trudeau a lancé un ultime plaidoyer en faveur d'un deuxième mandat.
«Nous avons besoin d'un gouvernement progressiste fort qui unira les Canadiens et luttera contre le changement climatique, pas d'une opposition progressiste», a-t-il lancé lors d'un meeting dans la région de Vancouver.
En cas de gouvernement minoritaire, le futur Premier ministre, libéral ou conservateur, devra compter sur l'appui des plus petits partis pour obtenir une majorité à la Chambre des communes.
ci-dessus
Comme le Nouveau Parti Démocratique (NPD, gauche), de Jagmeet Singh, l'une des révélations de ces élections, crédité de près de 20% des intentions de vote. Ou le Bloc québécois, formation indépendantiste dirigée par l'autre révélation de la campagne, Yves-François Blanchet qui a su mettre les grandes problématiques québécoises au coeur du débat fédéral.
Ce parti ne présente des candidats que dans la «Belle province», mais celle-ci compte à elle seule près d'un quart (78) des élus à Ottawa et le Bloc pourrait y tailler des croupières aux libéraux.
Dernier grand parti en lice, les Verts d'Elizabeth May ont peiné à faire passer leur message d'une urgence climatique, même si l'environnement a été l'un des thèmes dominants des débats.
Trudeau affaibli par les scandales
A 47 ans, Justin Trudeau n'a plus l'atout de la jeunesse -MM. Scheer et Singh ont 40 ans- et de la nouveauté qui avaient contribué à le porter au pouvoir, à la surprise générale, en 2015 face au conservateur Stephen Harper.
Le dirigeant libéral termine son mandat affaibli par plusieurs scandales. Sa popularité a chuté après une affaire d'ingérence politique dans une procédure judiciaire, et la publication en pleine campagne de photos de lui grimé en Noir («blackface») a brouillé son image.
Tout au long de la campagne, il a défendu son bilan : économie solide, cannabis légalisé, taxe carbone, accueil de dizaines de milliers de réfugiés syriens, accords de libre-échange signés avec l'Europe ou les Etats-Unis et le Mexique...
En face, M. Scheer promet un retour à l'équilibre budgétaire, des baisses d'impôts, avec un objectif simple : «remettre de l'argent dans la poche des Canadiens».
Le jeune conservateur, père de cinq enfants aux valeurs catholiques assumées, a tenté de compenser une image un peu terne par des attaques en règle contre M. Trudeau.
Mais il n'a pas échappé à son lot de polémiques: hostilité personnelle à l'avortement, révélation tardive de sa double nationalité canadienne et américaine ou soupçons d'avoir commandité une campagne de dénigrement de son rival Maxime Bernier.
A quelques heures des résultats des législatives, le suspense est total. D'autant que le système électoral canadien prévoit qu'un Premier ministre sortant peut rester en poste même si son parti n'obtient pas la majorité des sièges, tant qu'il réunit une majorité lors des votes de confiance à la Chambre des communes.
M. Scheer s'est insurgé par avance contre une telle perspective, accusant M. Trudeau de négocier en coulisses avec le NPD pour se maintenir au pouvoir même si son parti perd dans les urnes.