La polémique entre Pékin et la NBA sur Hong Kong pourrait coûter cher à la ligue nord-américaine de basket, mais cette dernière conserve un atout majeur: son énorme popularité auprès du public chinois.
Le tweet du directeur général des Houston Rockets, Daryl Morey, publié vendredi en soutien aux manifestants pro-démocratie hongkongais, a provoqué une grave crise pour la NBA en Chine -- l'un de ses principaux marchés.
Depuis, des sponsors chinois ont lâché la ligue, la télévision d'Etat a annulé les diffusions de matches de présaison, et de nombreux Chinois, choqués, postent des commentaires incendiaires sur les réseaux sociaux.
Mais le basket nord-américain reste immensément populaire en Chine, en partie grâce à Yao Ming, l'ex-star chinoise passée par... les Houston Rockets (2002-2011) et aujourd'hui directeur de la Ligue chinoise de basket (CBA).
«Quand en Chine on parle de basket, c'est de NBA», résume Mark Dreyer, qui gère China Sports Insider, un site internet dédié à l'actualité économique sportive du pays asiatique.
En matière de football, autre sport très populaire en Chine, les fans locaux de ballon rond ont l'embarras du choix entre l'Angleterre, l'Espagne ou encore l'Italie, souligne M. Dreyer.
Mais en basket, la seule alternative à la NBA serait le championnat chinois: une modeste ligue de 20 équipes, très loin de l'Amérique du Nord en termes de tension dramatique et de niveau de jeu.
Preuve de sa popularité, la NBA compte près de 42 millions d'abonnés sur le réseau social chinois Weibo. Les Golden State Warriors, franchise nord-américaine la plus populaire, en a plus de 8,5 millions.
A titre de comparaison, l'équipe chinoise la plus populaire n'atteint même pas le million.
«Le fait d'avoir un monopole tout en haut de ce sport a déjà permis à la NBA de devenir, sans conteste, le championnat le plus populaire en Chine», analyse un dirigeant sportif, qui souhaite garder l'anonymat en raison de la sensibilité de la crise actuelle.
A quelles conséquences peut désormais s'attendre la NBA?
Elle a déjà perdu plusieurs sponsors chinois (dont un fabricant de smartphone et un équipementier sportif). Et la télévision d'Etat CCTV a annoncé qu'elle ne diffusera pas deux matches d'exhibition entre les Brooklyn Nets et les Los Angeles Lakers, prévus cette semaine en Chine.
«Je ne pense pas que cette affaire empêchera les Chinois de rester passionnés» par le championnat nord-américain, juge le directeur sportif interrogé par l'AFP.
Et du côté financier, «cela ne devrait pas être si grave que ça, car n'oublions pas que la NBA réalise des milliards de dollars de profits en Chine», ajoute-t-il.
Vêtue d'un maillot de LeBron James, superstar des Los Angeles Lakers, Qu Wei attend avec 50 autres passionnés l'arrivée de joueurs NBA avant une rencontre avec la presse à Shanghai.
«Tout le monde est évidemment au courant du tweet de Morey et on pense que c'est une erreur. Mais même patriote, on reste des fans de sport», note la jeune femme de 26 ans.
«Je pense qu'on ne devrait pas laisser le sport être gâché par des affaires aussi compliquées. Ça doit rester séparé.»
Stabilité sociale
La Chine a subi au cours de son histoire nombre d'invasions de puissances étrangères (Japon, France, Royaume-Uni, etc.). Des cicatrices qui restent vives dans la conscience collective de nombreux Chinois.
Cela explique en partie la susceptibilité du gouvernement et des internautes face à tout commentaire perçu comme un défi à l'intégrité territoriale du pays - à l'image du tweet de Daryl Morey.
Le patron de la NBA, Adam Silver, qui a défendu la liberté d'expression du dirigeant des Houston Rockets et refusé de présenter des excuses, est attendu à Shanghai pour tenter d'enrayer la crise.
De son côté, le Parti communiste au pouvoir en Chine pourrait désormais veiller à ne pas trop s'aliéner la population dans cette affaire, note Bill Bishop, éditeur de la lettre d'information Sinocism.
«Des fans, des sponsors, des sites internet et des diffuseurs peuvent se passer d'une équipe, mais ils ne peuvent pas et ne voudront pas se passer de tout le championnat», estime-t-il.
«Une interdiction de la NBA en Chine aurait un coût en termes de stabilité sociale. Je suis tout à fait sérieux.»