Les experts du Giec ont dévoilé ce mercredi un nouveau rapport effarant sur les conséquences du réchauffement climatique pour les océans et la cryosphère. Une nouvelle preuve de l'urgence à lutter contre le réchauffement climatique, à laquelle s'associe Isabelle Autissier, présidente de la WWF.
En quoi ce nouveau rapport du Giec est-il alarmant ?
Les océans sont le climatiseur planétaire, et les glaces sont le château d’eau des êtres humains. Il était important d’avoir un focus sur ces éléments de la machine planétaire. Les conclusions de ce rapport sont, malheureusement, une fois de plus, extrêmement alarmantes sur des phénomènes majeurs qui sont en train de se produire et en train d’accélérer de manière très importante. On voit déjà que les vagues de chaleur ont été multipliées par deux en trente-cinq ans, que la fonte des glaciers s’accélère, tout comme l’augmentation du niveau de la mer. A WWF, on le prend comme une alerte, comme une chose qui doit nous pousser à l’action. Tout n’est pas perdu si on réagit vite.
Est-ce qu’on peut déjà s’imaginer à quoi va ressembler la terre, si ce scénario catastrophe se confirme ?
Il faut regarder ce que dit le Giec. A la WWF, nous nous basons sur ce que disent les scientifiques qui sont spécialistes de la question, nous n’inventons rien. Il y a des scénarios de dérèglement (climatique) absolument monstrueux, quand ils parlent d’un réchauffement de 7 °C d’ici à l’horizon du siècle (dans le pire des cas), dans lesquels on ne sait même pas comment les sociétés humaines vont pouvoir s’en tirer. Il faut espérer que l’on aura l’intelligence de ne pas se diriger vers ça. On parle de pertes de ressources alimentaires, de déclenchements de conflits, de phénomènes extrêmes, de montée du niveau des mers, et on est en train d’en prendre le chemin, c’est en route. Mais tout dépend de nous.
On parle beaucoup des océans, mais moins de la cryosphère. Pourtant, le rapport estime que le permafrost pourrait disparaitre d’ici à 2100. Quelles en seraient les conséquences ?
Sous l’effet du réchauffement, les terres dégèlent et le méthane qu’elles contiennent passe à l’état gazeux. C’est très préoccupant car le méthane a un pouvoir d’effet de serre 23 fois supérieur à celui du CO2. C’est ce que les scientifiques appellent la «bombe climatique». De même, avec la fonte de la banquise blanche, qui réfléchit l’énergie du soleil vers l’atmosphère, les parties de terre et de mer sur lesquelles elles s’étendaient seront plus sombres, absorberont plus de chaleur et donc se réchaufferont encore plus. C’est vrai aussi pour les glaciers de montagne.
Comme à son habitude, le Giec est très alarmant. Existe-t-il cependant une lueur d’espoir de parvenir à inverser le processus du réchauffement climatique ?
Il a toujours existé une lueur d’espoir, mais plus on attend, plus elle diminue. Il faut vraiment des changements drastiques dans notre façon de nous comporter et dans l’organisation de notre société. Cela fait vingt ans que l’on claironne ça sur tous les toits mais que tout reste extrêmement timide, extrêmement mesuré, et qu’on nous dit : «oui, mais c’est difficile». Ce sera beaucoup, beaucoup, beaucoup plus difficile et beaucoup, beaucoup, beaucoup plus cher et impactant sur la souffrance humaine si on attend. Il faudrait diminuer nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et être à zéro en 2050. Ce sont des objectifs extraordinairement ambitieux. Si on y parvient, c’est encore possible.
On a vu Greta Thunberg et des jeunes adolescents se mobiliser et s’en prendre avec véhémence à certains pays, dont la France. Est-ce la bonne façon de faire avancer les choses ?
Il n’y a pas de bonne et de mauvaise façon de faire. Il y a les grandes instances internationales, il y a les lanceurs d’alerte, il y a aussi ce que l’on fait vous et moi. Un exemple tout simple : lorsque l’on surconsomme de la viande, on participe à la déforestation de l’Amazonie. La viande est nourrie avec du soja importé de là-bas, et pour faire pousser ce soja, on brûle la forêt pour le planter à la place. On peut parler aussi de la voiture, de la consommation pétrolière, de ce que font les industriels ou pas. Il n’y a pas de mauvaise façon de faire. Soit on s’y met tous, partout où on est et où on peut faire quelque chose, à tous les niveaux, soit on ne fait rien, et à ce moment je comprends la colère des jeunes générations parce que ça va être très douloureux et très violent pour elles.