Même un médium aurait du mal à deviner l’issue du Brexit. Alors que la situation était déjà plus qu’illisible, la Cour suprême britannique a ajouté de l’incertitude à la sortie du Royaume-Uni de l’UE, en jugeant ce mardi 24 septembre que la suspension du Parlement pendant cinq semaines, décidée par Boris Johnson, était «illégale».
Elle permet aux députés de revenir siéger, sans doute dès ce mercredi 25 septembre, et accentue la pression sur le Premier ministre. Depuis son arrivée au pouvoir, fin juillet, «BoJo» accumule les revers, et voit sa stratégie offensive sur le Brexit remise en cause. Tous les scénarios sont donc désormais à nouveau ouverts.
Un dirigeant sans issue ?
Juste après la décision de la Cour suprême, les appels à la démission de Boris Johnson se sont multipliés, du côté de l’opposition. Mais, selon des sources proches de Downing Street, le dirigeant conservateur n’a aucunement l’intention de quitter ses fonctions. Il a même réitéré sa volonté de trouver un accord de Brexit avec l’UE. Il a également répété que son pays sortirait de l’Union dans un peu plus d’un mois, le 31 octobre, coûte que coûte, rejetant un nouveau report du Brexit et ne fermant pas la porte à un «no deal».
The Prime Minister, Boris Johnson, should resign. pic.twitter.com/HjIXE95UnO
— Jeremy Corbyn (@jeremycorbyn) September 24, 2019
Cette option serait pourtant illégale. Au début du mois, les parlementaires ont en effet voté une loi empêchant un divorce sans accord, et contraignant Boris Johnson à demander un report du Brexit s’il ne trouve pas de terrain d’entente avec Bruxelles, d’ici au 19 octobre. En cas de non-respect de ce texte, le Premier ministre risquerait la prison et la destitution.
Boris Johnson paraît donc totalement coincé, les négociations avec l’UE bloquant toujours sur le fameux «backstop», destiné à éviter le retour d’une frontière physique en Irlande. «Mais, après son revers à la Cour suprême, il pourrait mettre de l’eau dans son vin et accepter finalement que seule l’Irlande du Nord reste dans une union douanière avec l’UE après le Brexit», juge Christian Lequesne, professeur à Sciences Po.
Reste que, pour l’instant, Boris Johnson pousse en faveur d’une autre option : des élections anticipées, pour sortir de l’impasse politique. Mais «l’opposition n’en veut pas tant que la question du Brexit n’est pas réglée», ajoute le spécialiste des questions européennes. Ces partis comptent plutôt déposer une motion de censure contre le gouvernement cette semaine, ce qui pourrait leur permettre de prendre le pouvoir sans nouveau scrutin.
La lassitude des Européens
Du côté de l’UE, on commence sérieusement à s’impatienter, les négociations sur le Brexit étant ouvertes maintenant depuis plus de deux ans. Malgré tout, l’Union campe toujours sur ses positions, notamment sur le «backstop». Lundi 23 septembre, Michel Barnier, le négociateur de l’UE, a ainsi jugé «difficile» de parvenir en l’état à un accord avec Londres. En réponse, Boris Johnson a réclamé aux Européens «plus de souplesse».
No breakthrough. No breakdown. No time to lose. #Brexit pic.twitter.com/nUhqUilVXq
— Donald Tusk (@eucopresident) September 23, 2019
Il pourrait être écouté, selon Christian Lequesne, «certains pays, comme l’Allemagne, étant prêts à faire des concessions», par exemple concernant la «déclaration politique» sur la relation future entre Londres et l’UE. Mais pas la France, qui veut rester ferme, n’hésitant pas à agiter le spectre du «no deal». Le feuilleton est loin d’être terminé.