Le Moyen-Orient à l'aube d'une nouvelle guerre ? C'est l'inquiétude de certains observateurs après les frappes portées sur deux installations pétrolières en Arabie Saoudite le 14 septembre. Depuis, les tensions économiques et diplomatiques s'accroissent dangereusement.
Les faits
Deux sites appartenant au géant pétrolier Aramco, à Abqaiq et Khurais, dans l'est du pays, ont subi des attaques de drones. Les conséquences sont réelles puisque l'une des cibles est tout simplement la plus grosse usine de traitement du pétrole brut d'Arabie Saoudite, et que la production est provisoirement interrompue sur les deux installations. «C'est l'attaque la plus importante sur une installation pétrolière depuis la guerre d'Irak et, surtout, cela montre que l'Arabie Saoudite est vulnérable alors qu'elle est considérée comme un socle dans la production de pétrole de la région», explique Pierre Terzian, PDG de Petrostratégies une entreprise de conseil spécialisée dans le pétrole.
Si les rebelles yéménites, qui affrontent dans leur pays des forces loyalistes soutenues par l'Arabie Saoudite, ont revendiqué l'agression, les États-Unis soupçonnent officiellement l'Iran d'en être l'auteur. Pourtant, les rebelles ont renouvelé des menaces le 16 septembre en assurant avoir «le bras long, et il peut atteindre n'importe quel endroit à n'importe quel moment». Mike Pompeo, le secrétaire d'État américain, assure de son côté qu'il«n'y a aucune preuve que l'attaque vient du Yémen». Au contraire, «au milieu de tous ces appels à une désescalade, l’Iran vient de lancer une attaque sans précédent contre l’approvisionnement énergétique de la planète», accuse-t-il. Allant dans le sens des États-Unis, le porte-parole de la coalition intervenant au Yémen a assuré que l'armement utilisé provenait d'Iran. Cependant, difficile d'en conclure quoi que ce soit, étant donné que les Perses soutiennent militairement les rebelles depuis le début de la guerre.
Vers une guerre Iran-États-Unis ?
L'Iran continue de réfuter toutes les théories qui lieraient Téhéran aux frappes. Selon le porte-parole des Affaires étrangères iranien, Abbas Moussavi, ces accusations sont «incompréhensibles et insensées» et seraient justifiées par une volonté de mener «des actions futures» contre l'Iran.
Cependant, si le pays perse est bien responsable de l'attaque, c'est un bon coup politique estime Bernard Hourcade, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l'Iran. «Pour une bonne partie des Iraniens, il était impossible d'arriver à la table des négociations en position de faiblesse, explique le chercheur. Avec une frappe comme celle-ci, ils montreraient qu'ils sont capables de toucher l'Arabie Saoudite sans l'arme nucléaire, et ainsi d'amener par la force les États-Unis dans des discussions».
Les frappes resteraient un coup de poker. Des représailles sont en effet très probables, alors qu'une rencontre Trump-Rohani semblait se profiler dans les prochaines semaines. Une éventualité qui semble désormais plus compliquée dans le court terme, d'autant que le président américain a lui-même dit sur Twitter qu'une poignée de main n'était pas à l'ordre du jour.
The Fake News is saying that I am willing to meet with Iran, “No Conditions.” That is an incorrect statement (as usual!).
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) September 15, 2019
Donald Trump a expliqué dans une autre série de tweets qu'il était prêt à riposter après ces attaques. Il attend cependant des «vérifications» de l'Arabie Saoudite avant de se coordonner pour voir «sous quels termes nous allons agir». Ce n'est pas la première fois qu'un conflit armé entre les États-Unis et l'Iran menace ces derniers mois. La destruction d'un drone près de la frontière iranienne avait poussé Donald Trump à prévoir une frappe aérienne fin juin 2019, avant de se rétracter au dernier moment. Les prochains jours seront donc déterminants.
Inquiétude autour du pétrole mondial
Le 16 septembre, le cours du pétrole a explosé de plus de 10% en réponse aux attaques sur les installations saoudiennes. Si cela peut, à terme, se répercuter sur le prix de l'essence à la pompe, il ne faut pas encore s'alarmer. «Il s'agit d'une mesure de précaution car l'on ne connaît pas encore l'étendue exacte des dégâts ainsi que le temps qu'il faudra pour réparer, explique Pierre Terzian. Pour le moment, l'Arabie Saoudite est sur ses stocks, et il n'y a pas de recul dans les exportations».
L'enquête étant en cours, il faudra attendre les prochains jours pour savoir si les attaques ont fait des dégâts qui pourraient limiter durablement la production de pétrole en Arabie Saoudite, le plus gros exportateur mondial. Si tel est le cas, une crise du secteur pourrait se faire ressentir. En attendant, l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) n'a pour le moment fait aucune déclaration allant dans ce sens, ni dans un autre.