Alors que la contestation à Hong Kong ne se calme pas, Joshua Wong, l'une des figures de ce mouvement pro-démocratie, est cette semaine en visite en Allemagne, cherchant le soutien de pays étrangers pour faire pression sur la Chine. A 22 ans, il s'est déjà imposé comme l'un des opposants numéro un au gouvernement pro-Pékin de Hong Kong et au pouvoir chinois.
Le jeune étudiant a rencontré à Berlin ce lundi 9 septembre le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, avec lequel il a discuté «des protestations actuelles [à Hong Kong, NDLR] et notre lutte pour des élections libres et la démocratie à Hong Kong», a-t-il expliqué sur Twitter. Une entrevue critiquée par Pékin, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères dénonçant mardi un «irrespect vis-à-vis de la souveraineté de la Chine et une ingérence dans ses affaires intérieures». Joshua Wong a affirmé qu'il allait avoir d'autres discussions dans les prochains jours avec des membres du Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand. Il doit également s'exprimer mercredi soir à l'université Humboldt de Berlin, avant de se rendre aux Etats-Unis.
In Berlin I spoke to Foreign Minister @HeikoMaas on protests situation and our cause to free election and democracy in HK. Anticipating further discussion with members of German Bundestag in coming days. pic.twitter.com/y8VCUZrE6s
— Joshua Wong 黃之鋒 (@joshuawongcf) September 10, 2019
l'un des visages de la «révolution des parapluies» en 2014
Septembre 2014. Les étudiants de Hong Kong se révoltent contre un projet de loi électorale, imposé par le gouvernement chinois, qui prévoit l'élection au suffrage universel du nouveau chef de l'exécutif hongkongais parmi deux ou trois candidats choisis par un collège de 1.200 grands électeurs et avalisés par Pékin.
Parmi les leaders de cette contestation figure Joshua Wong, 17 ans, même pas encore le droit de vote à l'époque. Il fait partie des meneurs d'un rassemblement, le 26 septembre, durant lequel des dizaines d'étudiants escaladent des barrières métalliques pour entrer dans Civic Square, une place située dans un complexe gouvernemental. Il est arrêté en compagnie de quelques 80 autres personnes (avant d'être rapidement relâché), donnant un nouveau souffle au mouvement.
De nombreux citoyens rejoignent en effet les étudiants dans leur révolte, avant que la «révolution des parapluies» ne démarre réellement quelques jours plus tard, lorsque la police lance des gaz lacrymogènes dans la foule, qui se protège alors à l’aide de parapluies. Deux mois et demi durant, des dizaines de milliers de manifestants occupent le quartier d'affaires de Hong Kong, exigeant l'instauration d'un véritable suffrage universel libre dans la région semi-autonome et critiquant la mainmise croissante du pouvoir chinois sur le territoire. Sans succès, même si la réforme électorale voulue par Pékin n'est finalement pas adoptée.
Un militant précoce
La «révolution des parapluies» n'est pas le premier mouvement de contestation auquel participe Joshua Wong. En 2010, alors qu'il n'est âgé que de 13 ans, il manifeste contre un projet de construction de ligne de train à grande vitesse devant relier Hong Kong à la Chine continentale.
Deux ans plus tard, en 2012, il fonde à 15 ans une association, baptisée Scholarism, pour participer à la lutte contre une réforme des programmes scolaires, qui vise à développer un sentiment «patriotique» chinois chez les jeunes Hongkongais. Un «lavage de cerveau» selon Joshua Wong. Ce mouvement de protestation aboutit à de grandes manifestations étudiantes et lycéennes, qui rassemblent 120.000 personnes. Sous la pression de la rue, le projet de loi est retiré par le gouvernement. Le groupe Scholarism s'est transformé en 2016 en parti politique pro-démocratie, appelé Demosisto - contraction du mot grec «demos» («peuple») et du mot latin «sisto» («résister») -, dont Joshua Wong est aujourd'hui le secrétaire général.
ciblé par le pouvoir chinois
Joshua Wong n'a beau avoir que 22 ans, il a déjà été arrêté à cinq reprises, et a déjà fait deux séjours en prison. Il est en effet sous surveillance rapprochée du pouvoir chinois, qui voit d'un mauvais œil cet apôtre de la «désobéissance civile» et partisan de l' «autodétermination» de Hong Kong. Pour le décrédibiliser, un quotidien pro-Pékin, Wen Wei Po, l'avait même accusé en 2014 d'être à la solde de la CIA et des Etats-Unis, ce qu'il avait démenti.
En janvier 2018, il avait été condamné à trois mois de prison, pour ne pas avoir respecté une ordonnance judiciaire exigeant l'évacuation d’un campement érigé durant le «mouvement des parapluies» en 2014. Il n'avait alors passé que six jours derrière les barreaux, avant d’être libéré sous caution en attendant l’examen de son appel. A la mi-mai 2019, un juge d’appel avait ordonné son retour en détention, tout en réduisant sa peine à deux mois d’emprisonnement.
Il est finalement sorti de prison mi-juin, et a immédiatement rejoint le mouvement de contestation pro-démocratie qui avait éclaté début juin, à cause d'un projet de loi permettant l'extradition de citoyens hongkongais vers la Chine (retiré par l'exécutif de Hong Kong au début du mois). Dès sa libération, il a appelé la cheffe de l’exécutif hongkongais, Carrie Lam, à démissionner, et condamné le fait que les forces de l’ordre aient fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc contre les manifestants.
Depuis, il a notamment été arrêté fin août, pour avoir notamment incité d’autres personnes à participer «à un rassemblement non-autorisé», à l'occasion d'un vaste coup de filet visant les leaders du mouvement. Agnes Chow, une autre militante pro-démocratie du même âge, a en effet été interpellée au même moment, tout comme le militant indépendantiste Andy Chan, ou encore deux parlementaires pro-démocratie, Au Nok-hin et Jeremy Tam. Dimanche 8 septembre, il a annoncé sur Twitter avoir été arrêté à son retour de Taïwan, pour avoir prétendument violé les conditions de sa libération sous caution.
il est Devenu une véritable star
Preuve de l'influence et de la célébrité du jeune militant, il a été proposé pour le prix Nobel de la paix en 2018, en compagnie de deux autres militants pro-démocratie hongkongais, Nathan Law et Alex Chow. Une initiative d'une douzaine de membres du Congrès américain (incluant notamment le sénateur de Floride Marco Rubio, candidat à la primaires présidentielle républicaine de 2016), «en reconnaissance de leurs efforts pacifiques pour la réforme politique et l'autodétermination de Hong Kong». Joshua Wong n'a pas remporté la récompense, puisqu'elle a été attribuée au gynécologue congolais Denis Mukwege, qui soigne les femmes violées en RDC, et Nadia Murad, ex-esclave sexuelle de Daesh.
C'est loin d'être la seule reconnaissance que Joshua Wong ait eue. Il a en effet notamment été sur la liste des adolescents les plus influents du monde, établie par le magazine américain Time, en 2014 et 2015. Il a également fait partie des candidats au titre de personnalité de l'année 2014, décerné par le Time, et fait partie des dix «plus grands leaders mondiaux» de l'année 2015 pour le magazine américain Fortune. Netflix lui a même consacré un documentaire en 2017, nommé «Joshua : Teenager vs. Superpower» («Joshua : un adolescent contre une superpuissance») et principalement tourné lors de la «révolution des parapluies».
Même si d'autres militants pro-démocratie hongkongais sont sans doute tout aussi influents, les médias internationaux ont fait de Joshua Wong une véritable star. Cela l'a notamment contraint à convoquer une conférence de presse en 2014, pour annoncer les résultats qu'il avait eus à un examen universitaire.