L'Iran doit annoncer samedi le détail de ses nouvelles mesures de réduction des engagements relatifs à ses activités nucléaires, projet auquel l'Union européenne l'a sommé jeudi de renoncer.
L'annonce sera faite au cours d'une conférence de presse du porte-parole de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA), Behrouz Kamalvandi, a indiqué l'agence semi-officielle Isna.
Celui-ci devrait dévoiler la façon dont est mis en oeuvre l'ordre donné mercredi soir par le président iranien Hassan Rohani de faire sauter toute limite à la recherche et au développement dans le domaine nucléaire.
M. Rohani a donné ainsi le coup d'envoi de la troisième phase du plan de réduction des engagements consentis par Téhéran en adhérant à l'accord international sur le nucléaire iranien conclu en juillet 2015 à Vienne.
Il s'agit, a-t-il dit, de doter le pays de tout ce dont il a «besoin pour l'enrichissement» de l’uranium.
«Ces activités ne sont pas conformes (à l'accord de Vienne, ndlr). Et dans ce contexte nous sommons l'Iran de faire machine arrière et de ne prendre aucune autre mesure qui saperait cet accord», a réagi jeudi un porte-parole de la cheffe de la diplomatie de l'UE, Federica Mogherini.
¡Ce n'est pas le moment de tenir des pourparlers avec l'Iran, c'est le moment d'accroître la pression» sur la République islamique, a déclaré de son côté le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, fervent adversaire de l'accord de Vienne.
Riposte au retrait américain de l'Accord
Depuis mai, l'Iran est revenu sur certaines restrictions imposées par ce texte. Il a ainsi augmenté ses stocks d'uranium enrichi au-delà de la limite fixée par l'accord, et enrichit désormais ce minerai à un niveau prohibé par ce texte, soit plus de 3,67%.
Téhéran a entamé cette politique en représailles à la décision américaine de quitter unilatéralement l'accord de Vienne un an plus tôt et de réimposer une série de sanctions économiques punitives contre la République islamique.
L'Iran entend faire ainsi pression sur les autres Etats encore parties à ce pacte (Allemagne, Chine, France, Grande-Bretagne et Russie) pour qu'ils l'aident à contourner les sanctions américaines - qui ont plongé son économie dans une violente récession - et principalement à vendre son pétrole à l'étranger.
L'accord de Vienne a accordé à l'Iran la levée d'une partie des sanctions internationales qui l'isolaient depuis des années en échange d'une limitation drastique de son programme nucléaire, destinée à rendre impossible l'acquisition de l'arme atomique par Téhéran.
Jugeant ces garanties insuffisantes, le gouvernement de Donald Trump veut forcer l'Iran à négocier un accord plus contraignant.
Persuadé que l'Iran cherche à se doter en secret de la bombe atomique --ce que le pays a toujours nié--, Washington mène contre Téhéran une politique de «pression maximale» privant la République islamique des retombées économiques qu'elle attendait de l'accord de Vienne.
Le 7 juillet, l'Iran avait donné 60 jours, jusqu'à ce jeudi, aux autres Etats encore parties à l'accord pour l'aider a écouler son pétrole à l'étranger.
Mercredi, M. Rohani a annoncé que l'Iran réduirait encore ses engagements à l'issue d'une nouvelle période de 60 jours si les Européens s'avèrent incapables de l'aider.
Menés par la France, ceux-ci ont redoublé d'efforts diplomatiques pour désamorcer la tension entre l'Iran et les Etats-Unis, qui a failli tourner à l'affrontement militaire direct en juin et reste très forte.
Mais le projet, discuté ces derniers jours d'une ligne de crédit de 15 milliards de dollars (13,5 milliards d'euros) qui serait accordée à l'Iran afin de permettre son retour à une application pleine et entière de l'accord, bute sur le refus des Etats-Unis de desserrer l'étau des sanctions.
Washington refuse d'alléger les sanctions
Selon une source diplomatique française, ce montant correspond environ au tiers des exportations iraniennes d'hydrocarbures en 2017, et les fonds avancés grâce à la ligne de crédit en cours de négociation seraient remboursés via des ventes futures de pétrole.
Pour que ce système ait une chance de voir le jour, il faudrait donc que Washington accorde quelques dérogations à ses sanctions visant les ventes de pétrole iranienne ce que Washington a une nouvelle fois exclu catégoriquement mercredi.
Pour François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran, les nouvelles mesures iraniennes devraient «porter prioritairement, voire exclusivement, sur la mise au point de nouvelles centrifuges», utilisées pour enrichir l'uranium.
L'accord de Vienne «limite drastiquement le développement de différents modèles de centrifugeuses de nouvelles génération», explique-t-il à l'AFP. Il limite aussi le «nombre de centrifugeuses assemblées et testées», et impose un «calendrier strict de développement».
Pour lui, l'annonce iranienne est «très calibrée». Ses «premiers effets concrets ne se verront pas avant un ou deux ans», estime-t-il, mais contrairement aux premières mesures mises en place, «elle n'est que +partiellement réversible+. En effet, même si les recherches sont arrêtées, les acquis intellectuels le sont, eux, pour toujours.»