Le président brésilien Jair Bolsonaro a lancé jeudi une nouvelle charge contre les ONG, «soupçonnées» d'être responsables des feux de forêt en Amazonie, tout en accusant la presse de faire du tort au pays avec une «psychose environnementale».
Si la situation dans la plus vaste forêt tropicale de la planète était très difficile à évaluer, l'Institut national de recherche spatiale (INPE) a fait état de près de 2.500 nouveaux départs de feu en l'espace de seulement 48 heures dans l'ensemble du Brésil.
D'après l'INPE, 75.336 feux de forêt ont été enregistrés dans le pays de janvier jusqu'au 21 août, soit 84% de plus que sur la même période de l'an dernier. Selon un collectif d'ONG, 54% de ces feux concernent l'Amazonie.
Tandis que la presse brésilienne commençait à rapporter des problèmes sanitaires, notamment respiratoires, dans certaines villes, les feux affectant «le poumon de la planète» restaient jeudi au Brésil la première tendance sur Twitter, avec en illustration son lot de photos ou vidéos prises hors du Brésil ou même il y a 30 ans.
Sous les mots-clés #Nasa et #AmazoniasSemONGs (Amazonie sans ONG), des internautes assuraient que des photos-satellite de l'agence américaine provenaient en fait de Bolivie ou soutenaient la charge anti-ONG du président.
Au coeur de la tempête après ses déclarations polémiques de la veille, Jair Bolsonaro a accusé la presse d'avoir déformé ses propos sur une responsabilité des ONG dans les feux en Amazonie, tout en réaffirmant que «les plus forts soupçons viennent» de celles-ci.
«A aucun moment je n'ai accusé les ONG des feux en Amazonie. C'est incroyable ce qui s'écrit dans les journaux !» a-t-il lancé à des journalistes à Brasilia.
«C'est la guerre»
Le président d'extrême droite a expliqué qu'il pourrait tout aussi bien accuser de ces «incendies criminels (...) les indigènes, les Martiens ou les grands propriétaires terriens». «Tout le monde peut être suspect. Mais les plus forts soupçons viennent des ONG», a-t-il dit, enfonçant le clou.
Mercredi Jair Bolsonaro avait déjà montré du doigt les ONG de défense de l'environnement. «Il pourrait s'agir, oui, il pourrait, mais je ne l'affirme pas, d'actions criminelles de ces 'ONGéistes' pour attirer l'attention contre ma personne, contre le gouvernement brésilien. C'est la guerre à laquelle nous sommes confrontés», avait-il lancé devant des journalistes.
«Les ONG perdent de l'argent, qui venait de la Norvège et de l'Allemagne. Elles n'ont plus d'emplois, elles essaient de me renverser», a-t-il assuré jeudi, en référence à la suspension par ces deux pays de leurs subventions au Fonds Amazonie affecté à la préservation de l'immense forêt tropicale.
«L'argent dans les caisses des ONG ne sert ni à lutter contre les incendies ni à replanter des arbres», a dit le président qui, dès son arrivée au pouvoir en janvier, a pris pour cible les défenseurs de l'environnement et des populations indigènes.
«La presse brésilienne passe son temps à inventer des histoires, mais m'accuser d'être (un) Néron qui met le feu est irresponsable, c'est faire campagne contre le Brésil», a-t-il dit. «Il y a toujours eu des feux de forêt et il y en aura toujours. Malheureusement cela arrive en Amazonie».
«Cramer l'image du Brésil»
Il a exprimé toutefois sa préoccupation pour les retombées économiques.
«Si le monde entier commence à dresser des barrières commerciales (contre le Brésil) notre agro-négoce va chuter, l'économie va reculer (...) et votre vie à vous éditeurs, propriétaires de télévision va être compliquée», a-t-il menacé.
«Cette psychose environnementale nous empêche d'agir» et «je veux sauver le Brésil», a-t-il dit.
Dans une tribune commune, 118 ONG se sont élevées contre «l'irresponsabilité» présidentielle.
«Bolsonaro n'a pas besoin des ONG pour cramer l'image du Brésil dans le monde entier», lit-on dans ce texte, qui dénonce un président «qui manipule l'opinion publique contre le travail réalisé par la société civile, avec des allégations irresponsables et inconséquentes».
La forte hausse du nombre d'incendies en Amazonie brésilienne est avant tout causée par la progression de la déforestation.
Le feu est utilisé pour nettoyer des zones déjà déforestées, pour ouvrir des pistes ou pour préparer des terres à la culture. Le manque de prévention fait que ces incendies se propagent à des zones qui n'étaient pas destinées à être brûlées.