Le chaos s'est abattu lundi matin sur le métro hongkongais, pourtant connu pour sa redoutable efficacité, en raison d'opérations de blocage des rames et d'une grève générale lancée par les manifestants prodémocratie pour accroître la pression sur les autorités pro-Pékin.
Mais, loin de céder, la cheffe de l'exécutif Carrie Lam est sortie de sa réserve lors d'une rare conférence de presse pour accuser les protestataires de tenter de «détruire» la vie des Hongkongais.
La mégapole, qui traverse sa plus grave crise politique depuis sa rétrocession en 1997 par Londres, a déjà vécu deux mois de manifestations de plus en plus souvent suivies d'affrontements entre de petits groupes radicaux et les forces de l'ordre.
Après de nouveaux heurts dimanche soir, notamment dans le quartier très commerçant de Causeway Bay, des protestataires sont descendus lundi matin à l'heure de pointe dans plusieurs stations clés du réseau hongkongais pour bloquer les portes des métros et empêcher les trains de partir.
Cette action coup de poing a eu pour effet de paralyser le trafic, alors que des files d'attente de milliers d'usagers se formaient dans les couloirs et aux abords des stations.
Plus de 100 vols ont en outre été annulés à l'aéroport de Hong Kong, l'un des plus actifs au monde, alors que les autorités du transport aérien mettaient les passagers en garde contre de possibles perturbations.
«Renverser Hong Kong»
Si certains usagers étaient échaudés par ce rare chaos dans les transports en commun d'ordinaire très fiables, beaucoup confiaient soutenir une mobilisation née début juin du rejet d'un projet de loi controversé qui devait permettre d'autoriser les extraditions vers la Chine.
Le texte a depuis été suspendu, et le mouvement s'est élargi à des revendications en matière de démocratie et à la dénonciation d'un recul des libertés à Hong Kong alors que de nombreux habitants ont le sentiment que Pékin durcit son emprise sur le territoire rétrocédé par Londres en 1997.
«Le mouvement continuera de s'étendre tant que le gouvernement n'aura pas répondu», a déclaré à l'AFP un fonctionnaire ne donnant que son nom de famille, Leung, alors qu'il tentait de rejoindre son travail.
Mais, alors qu'elle avait ces dernières semaines fait profil bas à mesure que la contestation devenait de plus en plus violente, la cheffe de l'exécutif aligné sur Pékin est sortie lundi matin du silence pour critiquer frontalement le mouvement.
«Nous avons vu récemment, c'est très clair, que les gens proposent de manière impertinente de +reprendre Hong Kong, la révolution de notre temps+ (...) et de contester la souveraineté nationale du pays», a déclaré Mme Lam à la presse en référence à un slogan couramment utilisé lors des manifestations.
«J'ose affirmer que cela vise à renverser Hong Kong, à détruire complètement la précieuse vie de plus de sept millions de personnesv, a-t-elle averti.
Accusant les manifestants de pousser la ville «au bord d'une situation très dangereuse», elle a réaffirmé: «Le gouvernement sera ferme pour maintenir la loi et l'ordre et rétablir la confiance.»
Grève rarissime
Mme Lam, dont les manifestatants réclament la démission, sait qu'elle peut compter sur l'appui de Pékin, l'Armée populaire de libération ayant même proposé, la semaine dernière dans une vidéo musclée, ses services pour rétablir l'ordre.
Une quarantaine de manifestants ont par ailleurs été inculpés la semaine dernière pour participation à une émeute, un délit passible de dix ans de prison.
Ce week-end, la police a encore plusieurs fois utilisé les gaz lacrymogènes pour déloger des contestaires bloquant des artères dans plusieurs quartiers de la ville.
Le mouvement, sans chef réellement identifié, utilise les réseaux sociaux pour coordonner ses actions.
Lors d'une conférence de presse samedi, les organisateurs de la grève -dont beaucoup avaient le visage masqué pour ne pas être reconnus et éviter de futures poursuites judiciaires- ont affirmé que 14.000 travailleurs d'une vingtaine de secteurs s'étaient engagés à participer à l'action de lundi.
Fonctionnaires, travailleurs sociaux, pilotes d'avion, chauffeurs de bus... Des employés de nombreuses branches avaient confirmé leur intention de faire grève ou de se mettre en arrêt de travail lundi, et même certains travaillant à Disneyland.
Chose rarissime dans le temple de la finance internationale qu'est Hong Kong -où les syndicats n'ont que peu d'influence- la grève générale a pour but de démontrer aux autorités chinoises que, deux mois après le début du mouvement, la contestation conserve un très large soutien au sein de la population.
«Barrière psychologique»
«Pour les gens, il faut dépasser une barrière psychologique avant de pouvoir faire grève», expliquait dimanche lors d'une manifestation Monica Wong, 40 ans. «Certains ressentent une très grosse pression de leurs employeurs.»
Dimanche soir, les autorités ont d'ailleurs mis en garde contre la grève, en affirmant dans un communiqué qu'une telle action était de nature à aggraver les difficultés économiques de Hong Kong, dont la croissance a ralenti depuis le début de l'année.
En plus de la grève, les manifestants projettent des rassemblements dans sept quartiers de la ville.
Ce lundi sera la quatrième journée consécutive de manifestations, et risque d'être l'occasion de nouveaux heurts avec les forces de l'ordre, alors que les affrontements semblent de plus en plus violents.
En vertu du principe «Un pays, deux systèmes», Hong Kong jouit jusqu'en 2047 de libertés inconnues dans le reste du pays. Mais de plus en plus de voix s'inquiètent de voir Pékin bafouer cet accord et accroître sa mainmise.