La possibilité d'un Brexit sans accord le 31 octobre prochain, qui n'est pas exclue par le nouveau Premier ministre britannique Boris Johnson, fait planer la menace d'un éclatement du Royaume-Uni. En Ecosse, des voix s'élèvent pour réclamer un nouveau référendum sur l'indépendance, tandis qu'un rattachement de l'Irlande du Nord à l'Irlande n'est plus tabou.
Du côté de l'Ecosse, les nationalistes au pouvoir réclamaient déjà une nouvelle consultation sur l'indépendance du territoire dès le résultat du référendum sur le Brexit de juin 2016, qui avait donné le «Leave» vainqueur alors que les Ecossais avaient voté à 62 % pour rester dans l'UE. Mais la crainte d'un «no deal», alimentée par les dernières avancées du dossier, Boris Johnson accélérant les préparatifs en vue de ce scénario, a ravivé cette volonté.
«Quoi qu’il en dise publiquement, en réalité, il se dirige vers un 'no deal'. Je pense que c’est très dangereux pour l’Ecosse, et pour l’ensemble du Royaume-Uni», a ainsi affirmé la Première ministre écossaisse Nicola Sturgeon lundi 29 juillet, après s'être entretenue avec le nouveau dirigeant britannique. «Heureusement que nous avons le canot de sauvetage de l’indépendance de l’Ecosse pour rester dans l’UE», a déclaré à sa suite un député de son parti, Peter Wishart.
Ce dernier se calque sur la position de la dirigeante écossaise, qui a récemment averti que le Parlement local pourrait légiférer dans les prochains mois sur un vote pour quitter le Royaume-Uni, après que le «non» à l'indépendance l'avait emporté à 55 % en septembre 2014, soit avant le référendum sur le Brexit. Mais Boris Johnson ne l'entend pas de cette oreille. Il s'est en effet plusieurs fois dit opposé à cette éventualité, arguant au contraire qu' «un Brexit réussi peut enraciner et intensifier l'Union».
Dans un éditorial, le Guardian estime que la réponse de «BoJo» pourrait mener à «un scénario catalan, dans lequel le gouvernement écossais organise un référendum qui n'est pas juridiquement contraignant et potentiellement illégal». Une référence à la consultation organisée en Catalogne en octobre 2017, qui a notamment mené à l'arrestation et au procès de douze indépendantistes, lequel s'est achevé en juin à Madrid.
En Irlande, la question de la réunification
Mais il n'y a pas qu'en Ecosse que la tension monte. Sur l'île d'Irlande aussi. Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar a en effet indiqué dimanche 28 juillet qu'un Brexit sans accord pourrait mener à une réunification de l'Irlande et mettre à mal le Royaume-Uni. En effet, l’accord du Vendredi saint de 1998, qui a mis fin à trente ans de guerre civile en Irlande du Nord, prévoit l’organisation d’un référendum sur le sujet s’il apparaît «probable» qu’une majorité soit en faveur de l’unification de l’île.
Pour Leo Varadkar, l'équilibre actuellement à l'oeuvre entre les pro et les anti-réunification pourrait être bouleversé par un Brexit sans accord. «Des gens que l'on pourrait qualifier de nationalistes modérés ou de catholiques modérés, qui se satisfaisaient plus ou moins du statu quo, regarderont davantage vers une Irlande unifiée», a-t-il confié. «Et de plus en plus vous verrez des protestants libéraux, des unionistes libéraux commencer à se demander où ils se sentent le plus chez eux.» Un rattachement de l'Irlande du Nord à la république d'Irlande permettrait par ailleurs de réduire les risques de résurgence des violences à la frontière, que craint Dublin en cas de rétablissement d'une barrière physique entre les deux territoires.
«Boris Johnson risque de découvrir qu’après être sorti d’une union [l’UE], il va passer beaucoup de son temps à essayer d’en sauver une autre [le Royaume-Uni]», note ainsi ironiquement un rapport du cercle de réflexion britannique Institute for Government, publié lundi 29 juillet. Un travail que le dirigeant conservateur de 55 ans a déjà entamé, en promettant lundi 29 juillet de nouveaux investissements de 332 millions d'euros en Ecosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord, voyant le Brexit comme une «énorme opportunité économique».