Le ton monte entre l'Italie, la France et l'Allemagne après l'arrestation mouvementée par les autorités italiennes de la jeune capitaine du navire humanitaire Sea-Watch, accusée d'avoir accosté de force à Lampedusa pour débarquer des migrants qu'elle avait secourus en Méditerranée.
«Ce n'était pas un acte de violence, seulement de désobéissance», explique dans une interview au Corriere della Sera de dimanche Carola Rackete, la capitaine du Sea-Watch, accusée d'avoir tenté une manœuvre dangereuse contre la vedette des douanes italiennes qui voulait l'empêcher d'accoster.
«La situation était désespérée, mon objectif était seulement d'amener à terre des personnes épuisées et désespérées», a ajouté la jeune Allemande de 31 ans, qui dit avoir craint que des migrants se suicident en se jetant à l'eau alors qu'ils ne savent pas nager.
Arrêtée dans la nuit de vendredi à samedi, elle a été placée aux arrêts domiciliaires (un contrôle judiciaire sous forme d’assignation à résidence) avant d'être présentée à un juge d'Agrigente (sud) en début de semaine.
La jeune femme, qui s'est excusée dimanche pour sa manœuvre, est poursuivie pour avoir forcé le blocus des eaux italiennes imposé par le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini (extrême droite) en vertu d'un décret-loi entré en vigueur mi-juin pour lutter contre les navires d'ONG qu'il accuse d'êtres complices des passeurs.
A cela s'ajoute un autre délit, celui d'avoir forcé le passage, en obligeant la vedette des douanes postée le long du quai à s'éloigner. Une acte que la loi italienne qualifie de «résistance à un navire de guerre» et qui est passible de 10 ans de prison.
«Clarification rapide»
Très critiques face à l'attitude de l'Italie dans cette affaire, Paris et Berlin ont durement réagi. La France, qui a accepté d'accueillir 10 des 40 migrants du Sea-Watch, a jugé samedi, via son ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, que la politique italienne de fermeture des ports était contraire au droit maritime.
Tandis que la ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a demandé une «clarification rapide» des accusations pesant contre Carola Rackete, estimant que «sauver des vies est une obligation humanitaire» et que le sauvetage en mer ne devait pas «être criminalisé».
Dimanche, le président de la République allemande Frank-Walter Steinmeier a lui aussi exprimé des reproches à Italie, «un pays fondateur de l'Europe dont on s'attendrait qu'il gère une telle affaire autrement», a-t-il déclaré sur la ZDF.
Sur le ton ironique dont il est coutumier, Matteo Salvini n'a pas tardé à répliquer. «Puisque que l'Elysée a déclaré que +tous les ports étaient ouverts+, nous indiquerons Marseille et la Corse (sud de la France) comme destinations», a-t-il déclaré dimanche.
Dans une énième banderille adressée à Paris depuis son arrivée au pouvoir il y a un an, il avait martelé la veille que l'Italie ne prenait «pas de leçons de qui que ce soit et de la France en particulier».
«Paris a fermé Schengen, a été au premier rang pour bombarder la Libye, a laissé les immigrants dans les forêts italiennes», a-t-dénoncé.
Qualifiant de «criminel» le comportement de la capitaine du Sea-Watch, celui qui est aussi vice-Premier ministre et chef de la Ligue a affirmé que, par sa manœuvre, la jeune femme a «tenté d'écraser contre le quai du port de Lampedusa un patrouilleur des douanes, avec l'équipage à bord, mettant en danger les vies des agents».
Il a aussi réfuté «l'état de nécessité» invoqué par la capitaine du Sea-Watch pour justifier sa manoeuvre à la barre du Sea-Watch. «Mais si aucun des migrants à bord n'avait de problèmes de santé, de quelle nécessité parlait-elle ?», a-t-il écrit sur Facebook.
Dans un entretien dimanche au groupe de presse allemand RND, le père de la jeune femme, Ekkehart Rackete, qui a parlé à sa fille samedi soir, a dit l'avoir trouvée «joyeuse et de bonne humeur».