Les Suissesses veulent faire entendre leur voix. Les femmes sont appelées à faire grève en Suisse ce vendredi 14 juin, pour l'égalité des sexes. Vingt-huit ans jour pour jour après la première grève féministe de l’histoire du pays, cette mobilisation promet d'être historique, les débrayages n'étant pas dans les habitudes des Suisses.
«Du respect, du temps, de l'argent !», tel est le mot d'ordre de cette manifestation. Les revendications des syndicats et des collectifs féministes à l'origine de cette grève sont en effet multiples : égalité des salaires, lutte contre les violences sexistes, meilleure conciliation entre travail et vie privée...
Il faut dire que la Suisse est loin d'être un exemple d'égalité des sexes. Au niveau salarial, les femmes touchent environ 20 % de moins que les hommes. Et à conditions égales - même formation et ancienneté notamment -, l'écart est encore de près de 8 % selon le gouvernement. Le congé paternité n'est fixé qu'à un seul jour (c'est onze en France), et les places en crèches sont chères, freinant la participation des femmes au marché du travail. Par ailleurs, une femme sur dix est licenciée à son retour de congé maternité. Sans compter leur sous-représentation dans les cercles de pouvoir politiques et économiques.
La Suisse a toujours été à la traîne dans ce domaine. Il a en en effet fallu attendre 1971 pour que les femmes aient le droit de vote, soit 27 ans après la France et 53 ans après l'Allemagne et le Royaume-Uni. Le principe d'égalité hommes-femmes n'est, lui, inscrit dans la Constitution qu'en 1981. Cette avancée n'ayant débouché sur aucun progrès réel, un demi-million de femmes ont défilé le 14 juin 1991 aux quatre coins du pays, pour réclamer l'application de la loi. Une manifestation monstre, au vu des 3,46 millions d'habitants du pays à l'époque.
«Cette grève est a priori illicite»
Cinq ans plus tard, l'article constitutionnel sur l'égalité des sexes entrait en vigueur. Depuis, des avancées sont à noter, avec notamment la dépénalisation de l'avortement en 2002 et la mise en place d'un congé maternité payé de 14 semaines en 2005. Pas suffisant selon les collectifs féministes et les syndicats, qui ont par ailleurs été déçus l'an dernier de la révision de la loi sur l’égalité. Le texte n'impose en effet pas de sanctions aux entreprises qui ne respectent pas l'égalité des salaires, et le contrôle des rémunérations a été limité aux sociétés de plus de 100 personnes.
De là a germé l'idée de la mobilisation de ce vendredi qui, portée par la vague #MeToo, pourrait rassembler un million de personnes (pour 8,5 millions d'habitants) selon le quotidien suisse Le Temps. Mais le nombre de manifestants est très difficile à estimer, la grève ne faisant pas partie des traditions suisses. En effet, une convention signée par le patronat et les syndicats en 1937, instaurant la «paix du travail», exclue le recours à la grève au profit de la négociation.
«Cette grève est a priori illicite», a ainsi déclaré l'un des représentants de l'Union patronale suisse, Marco Taddei. Quelques entreprises ou collectivités feront tout de même un effort, en payant un jour d'absence à leurs salariées (comme la ville de Genève). Mais une majorité de femmes devraient être obligées de prendre une journée ou une demi-journée de congé vendredi si elles veulent participer à la mobilisation. Mais «il ne s’agit pas seulement d’une grève du travail rémunéré. Il y aura aussi une grève du ménage, du 'prendre soin', de la consommation», explique au Parisien Anne Fritz, coordinatrice de la contestation à l’Union syndicale suisse.