Après l'abdication, le retrait. À 81 ans, Juan Carlos, père de Felipe VI, l'actuel roi d'Espagne, quitte la vie publique. Personnalité appréciée, malgré quelques scandales ces dernières années, il va désormais retourner dans l'ombre.
L'héritier du franquisme converti à la démocratie
Rien dans le début de sa vie ne laissait imaginer que cet homme deviendrait l'un des chantres de la démocratie espagnole. Très proche de Franco, dictateur nationaliste au pouvoir entre 1936 et 1975, il sera même désigné comme successeur par ce dernier lorsqu'il tombe malade.
À la mort de son mentor, il est proclamé roi d'Espagne, et entame alors une transition démocratique, allant à l'encontre de ce qui était attendu. Deux ans après sa prise de fonctions, des élections libres sont organisées, et une constitution est adoptée par référendum. Si un coup d'État militaire a tenté (sans succès) de renverser le nouveau pouvoir en 1981, Juan Carlos s'affiche à la télévision, vétu de son propre uniforme, en s'opposant à la démarche des soldats. Une prise de position en faveur de la transition démocratique qui le rendra très populaire en Espagne.
Un roi qui fait (presque) l'unanimité
Pendant la majeure partie de son règne, Juan Carlos a joui d'une popularité aujourd'hui inatteignable pour n'importe quelle personnalité politique. À tel point que, selon certains observateurs, si une élection présidentielle avait été organisée, il l'aurait emporté haut la main. En 1988 par exemple, selon l'hebdomadaire Tiempo, son image était jugée bonne ou très bonne par 76% des Espagnols. Cela alors qu'il n'a aucun pouvoir politique. Mais, puisqu'il représente «l'unité de la nation», historiquement divisée dans les différentes régions comme au Pays Basque ou en Catalogne, il est adoré par sa population.
Des scandales à répétition
Cependant, cette popularité prend un sérieux coup en 2012. La famille royale est alors bousculée par une série de scandales. Le premier est causé par une photographie du roi, sur laquelle on l'aperçoit, posant fièrement fusil à la main, devant le corps d'un éléphant qu'il venait d'abattre au Botswana. Outre le fait que la photo puisse choquer, ce très couteux voyage a été organisé dans le plus grand secret, alors que le pays souffrait d'une grave crise économique. Si, dans sa traque, le roi ne s'était pas fracturé la hanche, personne n'en aurait peut-être jamais rien su.
Réputé pour être un roi «pauvre», sa famille vivant dans une maison de campagne plutôt que dans un immense palais, ce mythe a été détruit lorsque le quotidien El Mundo dévoile que son père, Juan de Bourbon lui aurait légué environ 3 millions d'euros sur des comptes en Suisse. Une révélation épineuse alors que le gouvernement était en pleine bataille contre l'évasion fiscale. D'autres affaires de détournements de fonds par son gendre, ou des liaisons extraconjugales ont fini de réduire sa popularité comme peau de chagrin.
C'est pourquoi, en 2014, Juan Carlos a finalement abdiqué et laissé son fils prendre le rôle de roi d'Espagne. Toujours présent dans les environs, sa décision de se retirer définitivement des affaires met donc fin à la transition royale cinq ans jour pour jour après son départ du trône. Un retour au calme pour ce symbole national.