L'homme fort de la politique italienne, Matteo Salvini, a encore renforcé dimanche son emprise sur le gouvernement populiste au pouvoir à Rome, après les européennes dont les résultats, encore à confirmer, placent la Ligue (extrême droite) largement en tête avec environ 30% des voix.
«Merci», a réagi le vice-Premier ministre italien et ministre de l'Intérieur, en affichant dimanche soir sur son compte Twitter une photo le montrant tout sourire brandissant une affiche avec les mots : «premier parti d'Italie, MERCI».
Selon deux sondages sortie des urnes, la Ligue de Matteo Salvini réalise un score compris entre 27 et 31%, soit son meilleur résultat obtenu, et de loin, lors d'un scrutin national. En 2014, ce parti souverainiste et allié du Rassemblement national de Marine Le Pen en France, avait obtenu un peu plus de 6% des voix, et 17% lors des législatives en mars 2018.
«Ca change tout en Europe»
Surtout, il dépasse désormais largement son allié au gouvernement, le Mouvement Cinq Etoiles (M5S, antisystème), grand perdant du scrutin de dimanche avec un score compris entre 18,5 et 23% des voix, alors qu'il en avait obtenu plus de 32% en mars 2018.
Le rapport de forces déjà très déséquilibré en faveur de la Ligue est désormais acté dans les urnes, selon ces estimations, suscitant nombre d'interrogations sur la survie du gouvernement actuel.
«En ce qui me concerne, si la Ligue gagne, ça ne change rien en Italie, mais ça change tout en Europe», a réaffirmé dimanche Matteo Salvini, qui a martelé tout au long de la campagne sa promesse d'aller jusqu'au bout de la législature, en 2023.
Pour certains observateurs, il pourrait néanmoins être tenté de lâcher son allié du M5S avec qui les relations sont excécrables depuis des semaines, et tenter provoquer des élections anticipées. Le bon résultat de l'autre parti d'extrême droite italie, Fratelli d'Italia (FdI, frères d'Italie), qui a obtenu environ 6% des voix, pourrait l'y inciter.
«Il y a toujours la possibilité de mettre sur pieds un centre-droit compact», a indiqué dimanche soir un des responsables de ce parti, Fabio Rampelli. La Ligue s'était présenté en mars 2018 aux côtés de FdI et de Forza Italia (FI, centre-droit), le parti de l'ancien Premier ministre Silvio Berlusconi. Cette coalition n'avait toutefois pas obtenu la majorité des sièges, incitant alors la Ligue à se tourner vers le M5S.
Forza Italia a de son côté obtenu quelque 10% des voix dimanche, selon ces estimations, et Silvio Berlusconi, 82 ans, n'a cessé d'appeler M. Salvini a lâcher son allié actuel pour relancer cette coalition.
Le sujet n'est pas d'actualité, répète à l'envi M. Salvini. Mais les polémiques incessantes entre les deux alliés au sein du premier gouvernement populiste dans un pays fondateur de l'Union européenne et le bon résultat de la Ligue ouvre la porte à tous les scénarios.
«La Ligue demande de voter pour elle pour les élections européennes ou pour provoquer une crise de gouvernement lundi matin ?» s'est ainsi ouvertement interrogé le chef de file du M5S, Luigi Di Maio.
Désormais en position de force, M. Salvini veut aller de l'avant et ne cesse de marteler des promesses qui font grincer des dents au M5S : la «flat tax» (un taux d'imposition unique pour tous), un nouveau tour de vis sécuritaire et anti-migrants ou encore la relance du projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin.
La politique du gouvernement pourrait donc être infléchie, au moins dans un premier temps.
Giancarlo Giorgetti, secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil des ministres et considéré comme l'éminence grise de M. Salvini, l'a sous-entendu assez clairement en promettant juste avant le scrutin de «corriger» les erreurs commises depuis un an.
La Ligue réclame d'ores et déjà de choisir le prochain commissaire italien dans le futur exécutif européen, a confirmé dimanche un de ses responsables Riccardo Molinari.