Au Royaume-Uni, le camp pro-Brexit gagne du terrain, à quelques jours des élections européennes, profitant de l'impasse totale dans laquelle se trouve le processus de divorce. Le Parti du Brexit en est le parfait symbole. Tenant son plus grand meeting de campagne ce mardi 21 mai à Londres, la formation de Nigel Farage caracole en tête des sondages.
D'après la dernière étude de l'institut YouGov publiée le 17 mai, elle obtient pas moins de 35 % des intentions de vote, très loin devant les Libéraux-démocrates (16 %), le Parti travailliste (15 %), les Verts (10 %) et le Parti conservateur (9 %) de la Première ministre Theresa May.
Une véritable surprise au Royaume-Uni, au vu de la trajectoire météorique du parti d'extrême droite. Lancé il y a un peu plus d'un mois seulement, il ne lui a même pas fallu une semaine pour arriver en tête des sondages. Une performance rendue possible par son leader, Nigel Farage, ex-chef de file du parti eurosceptique Ukip et figure de proue du camp du «Leave» lors du référendum sur le Brexit de juin 2016.
Comme il y a trois ans, l'ancien trader de 55 ans, mis de côté après la victoire du «Leave», a réussi à simplifier à l'extrême le débat, et ainsi à transformer la campagne en référendum pour ou contre le Brexit. Cette simplication se retrouve jusque dans le nom de son parti, le Parti du Brexit, qui contient en lui-même tout son programme. Sa seule proposition consiste en effet à sortir à tout prix de l'UE.
«Les gens sont vraiment en colère parce que le résultat du référendum n’a pas été respecté, mais encore plus en colère que les politiciens n’aient pas tenu leur promesse ! La seule solution démocratique maintenant est de quitter l’Union européenne selon les termes de l’OMC et de négocier un accord après», appelle-t-il lors de ses meetings.
Des saillies violentes contre May, Corbyn, Juncker et les autres
Cette personnalité à la gouaille sans pareille n'hésite pas non plus à attaquer violemment tous ses opposants, britanniques comme européens, lors de ses discours. De Theresa May, «une menteuse en série», au chef de l'opposition travailliste Jeremy Corbyn, qui «a autant de positions qu’il y en a dans le Kamasutra», en passant par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, «qui ne sait plus ce qu’il dit après le déjeuner», en référence à son supposé penchant pour la boisson. Le député européen a également pour habitude, durant ses meetings, de faire huer les noms du négociateur de l'UE pour le Brexit, le Français Michel Barnier, ou encore celui de la chancelière allemande Angela Merkel.
Une stratégie plutôt simpliste, mais qui fonctionne. Nigel Farage réussit en effet à attirer à lui de nombreux électeurs, mécontents de la façon dont le gouvernement a négocié le Brexit (qui a déjà été repoussé à deux reprises), qu'ils soient travaillistes ou conservateurs. Ainsi, 40 % des conseillers locaux de la formation de Theresa May envisageraient de voter pour le Parti du Brexit.
Seule ombre au tableau pour Nigel Farage (qui a été visé par un lancer de milkshake ce lundi 20 mai à Newcastle dans le nord-est de l'Angleterre), l'annonce par la Commission électorale britannique, ce lundi 20 mai, de sa venue mardi dans les locaux de la formation d'extrême droite. Celle-ci va «examiner» le financement de sa campagne pour les élections européennes. L'ancien Premier ministre travailliste Gordon Brown avait réclamé l'ouverture d'une enquête, inquiet que le système de dons mis en place par la formation puisse permettre à des fonds étrangers de financer sa campagne.
Des répercussions sur le Brexit et le Parlement européen
Les conséquences du succès annoncé du Parti du Brexit aux élections européennes (qui auront lieu ce jeudi 23 mai au Royaume-Uni) pourraient se faire ressentir des deux côtés de la Manche. A Londres déjà, où il pourrait compliquer la tâche de Theresa May sur le Brexit. Nigel Farage a en effet déclaré il y a quelques jours sur la BBC qu'en cas de victoire, il exigerait que sa formation fasse partie de l'équipe de négociations du gouvernement.
Ce triomphe annoncé est également vu d'un très mauvais oeil du côté de Bruxelles. Alors que les sondages prédisent un peu partout en Europe une poussée des partis populistes, une large victoire du Parti du Brexit outre-Manche viendrait garnir encore un peu plus les rangs des eurosceptiques au Parlement européen, et augmenter d'autant le risque d'une paralysie de l'institution.
Mais Nigel Farage voit plus loin que les élections européennes. Il veut surfer sur cette vague au moins jusqu'aux prochaines élections générales au Royaume-Uni. Celles-ci sont prévues en 2022, mais pourraient avoir lieu avant si une motion de censure contre Theresa May, contestée de toutes parts, est adoptée. D'après le dernier sondage du cabinet Opinium, son Parti du Brexit est passé devant le Parti conservateur dans les intentions de vote, avec 24 % contre 23 %, derrière le Labour à 27 %. De là à imaginer un jour Nigel Farage au 10 Downing Street ?