La victoire du Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis 1994, aux élections législatives se confirmait vendredi en Afrique du Sud mais avec un score en nette baisse qui va compliquer les promesses de réformes du président Cyril Ramaphosa.
Au terme d'une deuxième longue nuit de dépouillement, l'ANC avait recueilli 57,2% des suffrages dans plus des trois quarts (76%) des bureaux de vote déjà comptabilisés, en recul de cinq points sur son score des précédentes élections de 2014.
S'il se confirme, ce résultat constituerait la plus mauvaise performance du parti de Nelson Mandela à des législatives.
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L'ANC devrait toutefois conserver la majorité absolue des 400 sièges de l'Assemblée nationale et Cyril Ramaphosa, élu par les députés, son fauteuil de chef de l'Etat.
Les dirigeants du parti se sont jusque-là gardés de commenter ces résultats ou de crier victoire. «Nous serons le prochain gouvernement, qu'il y ait déclin ou progression», s'est borné à indiquer l'un d'eux, Gwede Mantashe.
Ramaphasa devait se rendre vendredi matin au centre national de comptage de la Commission électorale (IEC) à Pretoria.
«L'ANC est en route vers un solide succès compte tenu de ses mauvais résultats en matière de gouvernance», a commenté pour sa part l'analyste Daniel Silke, «son recul prive toutefois le parti de toute marge de sécurité et le contraint à réussir, faute de quoi il risque gros aux élections de 2024».
Derrière la formation du président, l'Alliance démocratique (DA), principal parti d'opposition pointait en deuxième position avec 21,7% des voix, en légère baisse par rapport à 2014 (22,2%).
«Je suis relativement satisfait», a réagi jeudi soir son chef Mmusi Maimane, «le soutien à la DA est très fort».
Sur la troisième marche du podium, les Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale) de Julius Malema enregistraient une forte progression, juste au-dessus de la barre symbolique des 10%. En 2014, ils avaient totalisé 6,35%.
Déclin continu
«Nous sommes satisfaits de notre position puisque nous sommes nettement au-dessus de nos résultats de 2014», s'est réjoui à l'AFP un des responsables du parti, Dali Mpofu.
Vainqueur de tous les scrutins post-apartheid, l'ANC a vu sa popularité plonger sous le règne émaillé de scandales de son prédécesseur Jacob Zuma (2009-2018).
Aux élections locales de 2016, l'ANC avait même touché le fond en n'obtenant que 54% des voix au niveau national.
Malgré sa popularité, Cyril Ramaphosa n'a pu que limiter la casse. Depuis qu'il a poussé le président Jacob Zuma à la retraite début 2018, il a promis de «réparer" les «erreurs" de son parti, d'éradiquer la corruption et relancer l'économie.
Un an plus tard, l'ancien syndicaliste reconverti en homme d'affaires à succès n'a pas réussi à tenir ses promesses.
Tout au long de sa campagne électorale, il a été confronté à l'impatience et la colère d'une part croissante de la population face à la corruption, au chômage de masse (27%) et aux inégalités criantes qui persistent, un quart de siècle après la chute de l'apartheid et l'avènement de la démocratie.
«Nous leur avons donné vingt-cinq ans (de pouvoir) mais les pauvres sont toujours plus pauvres et les riches encore plus riches», a résumé en votant mercredi Anmareth Preece, une institutrice de 28 ans, électrice à Coligny (nord-ouest).
L'opposition ne l'a pas épargné non plus, dénonçant un ANC «pourri jusqu'à la moëlle» et appelant au «changement».
Avec une performance électorale médiocre, la plupart des observateurs prédisent à Cyril Ramaphosa des difficultés à faire accepter ses projets de réformes au clan de l'ex-président Zuma, qui dispose toujours de forts soutiens au sein de l'ANC.
Ramaphosa doit être investi dès le 25 mai. La composition de son prochain gouvernement révèlera alors la marge de manoeuvre politique dont il dispose, anticipent les analystes.
«Cette élection offre à l'ANC sa dernière chance de relancer la croissance économique», a estimé Daniel Silke, «Ramaphosa sera sous pression pendant les cinq prochaines années».