L'Espagne retourne aux urnes dimanche pour un scrutin très incertain où le chef du gouvernement socialiste, en tête des sondages, met en garde contre la résurgence de l'extrême droite.
Marginal il y a à peine six mois avant de créer un séisme politique en recueillant près de 11% des suffrages lors d'élections dans la région méridionale d'Andalousie, le parti ultranationaliste Vox est la surprise annoncée de ces troisièmes législatives en trois ans et demi.
Ouvrant à 09H00 (07H00 GMT), les bureaux de vote fermeront à 20H00 (18H00 GMT) avant l'annonce des résultats dans la soirée.
Avec plus de 10% des voix et une trentaine de sièges sur 350 dans les sondages, Vox pourrait faire une entrée en force à la chambre des députés dans un pays où l'extrême droite était absente du paysage depuis la mort du dictateur Franco en 1975. Les Espagnols renouvellent aussi dimanche une grande partie du Sénat.
Le socialiste sortant Pedro Sanchez, arrivé au pouvoir en juin à la faveur d'une motion de censure contre le conservateur Mariano Rajoy (Parti Populaire, PP), a mis en garde contre une vague d'extrême droite en Espagne comme en Finlande où le parti des Vrais Finlandais est arrivé deuxième du scrutin mi-avril.
Selon les enquêtes d'opinion, les scores du Parti Populaire (PP), des libéraux de Ciudadanos et de Vox ne leur permettraient toutefois pas de constituer une majorité, comme celle qui leur a permis de chasser les socialistes du pouvoir dans leur fief d'Andalousie en début d'année.
Mais, comme l'ont laissé entendre certains analystes, «il y a un risque réel, certain» que Vox fasse beaucoup mieux que ne le disent les sondages dimanche et qu'une majorité de droite puisse se former avec l'appui de l'extrême droite, a déclaré M. Sanchez vendredi.
Le patron du PP, Pablo Casado, qui a mené une campagne très agressive contre M. Sanchez qualifié de «cheval de Troie» des nationalistes catalans et basques, a d'ailleurs ouvert pour la première fois la porte vendredi à une participation de Vox à un éventuel gouvernement de droite.
Ce parti au discours anti-féministe et anti-immigration, fondé par d'anciens membres du PP, a prospéré en particulier en prônant la manière forte contre les séparatistes en Catalogne dont il veut interdire les partis.
Cette région du nord-est a été le théâtre en 2017 d'une tentative de sécession qui a été la pire crise politique qu'ait connue l'Espagne en quarante ans et qui reste au centre du débat politique.
Dimanche, «nous allons choisir entre l'anti-Espagne ou l'Espagne vivante», a martelé vendredi le leader de Vox Santiago Abascal, soutenu par Marine Le Pen en France ou par Matteo Salvini de la Ligue en Italie.
Se méfiant des médias traditionnels, Vox a fait campagne massivement sur les réseaux sociaux, s'inspirant de la stratégie du président philippin Rodrigo Duterte, de l'américain Donald Trump ou du brésilien Jair Bolsonaro.
Intenses tractations
Avec un paysage politique toujours plus fragmenté, l'Espagne se destine en tout état de cause à d'intenses tractations pour pouvoir former un gouvernement.
Pedro Sanchez ne devrait obtenir que 120-130 sièges selon les sondages, loin de la majorité absolue de 176.
Il sera donc contraint de nouer des alliances avec la gauche radicale de Podemos, en difficulté, et des partis régionalistes dont, a priori, les indépendantistes catalans qui avaient soutenu son arrivée au pouvoir en juin.
Mais le socialiste préférerait éviter d'avoir de nouveau besoin de ces derniers : la droite n'a cessé de l'accuser d'avoir pactisé avec les «ennemis de l'Espagne» et ce sont ces mêmes séparatistes qui l'ont contraint à convoquer ces élections anticipées en refusant de voter son budget.
L'hypothèse d'une alliance avec Ciudadanos, déjà tentée sans succès en 2016, n'a pas été clairement écartée par Sanchez. Même si Albert Rivera, le patron des libéraux, a encore clamé vendredi que «chasser» le socialiste du pouvoir était une «urgence nationale».