Pour la deuxième année consécutive, l'Espagne a célébré vendredi le 8 mars avec une «grève féministe» et des manifestations massives à Madrid et Barcelone, alors que le sujet a pris une forte dimension politique à quelques semaines des élections législatives du 28 avril.
Dans la capitale espagnole et dans la métropole catalane, au moins des dizaines de milliers de personnes manifestaient en fin de journée.
«Combien de femmes occupent de hautes fonctions ? Très peu. Et ce n'est pas car elles ne sont pas bien formées, c'est parce que l'égalité n'existe toujours pas», a dénoncé Maria Nuñez, retraitée de 70 ans, à Barcelone.
A Madrid, une marée violette, couleur du féminisme, défilait en promettant que la ville serait «la tombe du machisme».
Clara Lopez, 29 ans, y portait une pancarte disant «je choisis comment je m’habille et avec qui je me déshabille».
«Si nous nous arrêtons, le monde s'arrête». Avec ce slogan pour mot d'ordre, les Espagnoles avaient observé auparavant tout au long de la journée des arrêts de travail d'au moins deux heures.
Et un an après une première «grève féministe» qui avait mobilisé des millions de personnes à travers le pays, le mouvement a été de nouveau très suivi. Selon le syndicat UGT, plus de six millions de «travailleurs et travailleuses» ont fait grève.
Le 8 mars a été marqué par d'autres manifestations à travers le monde. En Grèce, un arrêt de travail de trois heures a été observé dans de nombreuses administrations, une première, tandis qu'en France, des milliers de personnes se sont rassemblées dans plusieurs villes.
A Istanbul, la police turque a tiré des gaz lacrymogènes contre des milliers de femmes rassemblées dans le centre de la ville en dépit d'une interdiction de manifester.
«Espagne féministe»
Comme l'an dernier, des personnalités se sont aussi mises en grève en Espagne comme la maire de gauche de Madrid, Manuela Carmena, et de nombreuses journalistes à l'image de Pepa Bueno, la voix de la matinale de la radio Cadena SER.
A Madrid, plusieurs ministres du gouvernement socialiste de Pedro Sanchez, le plus féminin de l'histoire du pays, étaient en tête du cortège.
«Nous voulons une Espagne féministe. Car c'est seulement grâce au féminisme que nous en finirons avec la violence machiste et que nous obtiendrons l'égalité réelle», a insisté sur Twitter Pedro Sanchez.
Au Pays Basque - où 30.000 personnes ont manifesté à Bilbao selon la police locale -, la session du parlement régional a même dû être suspendue faute de quorum, en l'absence de la plupart des députées.
Bataille politique
Alors que le sujet était consensuel ces dernières années, des dissensions sont apparues récemment dans le pays.
A droite, le Parti populaire, premier parti d'opposition à Pedro Sanchez, ne s'est pas associé aux manifestations, accusant la gauche d'instrumentaliser la cause de l'égalité.
L'extrême droite, qui a fait une percée récente avec le parti Vox, a fait pour sa part de l'antiféminisme l'un de ses chevaux de bataille.
Dans ce contexte, une plateforme regroupant des associations catholiques et anti-IVG a convoqué dimanche à Madrid une contre-manifestation tandis que l'association catholique ultraconservatrice Hazte Oir («Fais-toi entendre») faisait circuler un bus comparant les féministes aux nazis, agrémenté d'un montage photo de Hitler maquillé, un logo féministe violet sur la casquette.
«L'an dernier, les décisions judiciaires ont été le détonateur, la rage qui a entraîné la mobilisation. Le message s'adressait au pouvoir judiciaire», a souligné Anna Bosch, célèbre journaliste en grève de la télévision publique, en référence à l'affaire de «la Meute», dans laquelle cinq hommes avaient été condamnés pour avoir abusé d'une jeune femme mais sans que la qualification de viol ne soit retenue.
Mais «cette année, le message s'adresse aux leaders politiques», a-t-elle ajouté en dénonçant les «positions clairement rétrogrades» de Vox ou du numéro un du PP, Pablo Casado.