Une situation ubuesque. Malgré le Brexit, qui doit avoir lieu d'ici au 31 octobre, les Britanniques pourraient être dans l'obligation de voter pour les élections européennes, dans un mois jour pour jour, le 23 mai prochain. Pour parer à cette éventualité, les partis politiques outre-Manche sont en pleins préparatifs.
Le tout nouveau groupe Change UK («Changer le Royaume-Uni» en français), composé de députés europhiles ayant claqué la porte des partis conservateur et travailliste, doit ainsi démarrer sa campagne à Bristol, dans le sud-ouest de l'Angleterre, ce mardi 23 avril. Dans le même temps, le Parti du Brexit, lancé le 12 avril dernier à Coventry (ouest de l'Angleterre) par Nigel Farage, ex-dirigeant du parti eurosceptique Ukip, doit dévoiler les noms de ses derniers candidats à Londres.
A l'instar de ces deux formations, les mouvements politiques minoritaires au Royaume-Uni (derrière les deux grands partis conservateur et travailliste), qu'ils soient pro ou anti-Brexit, espèrent capitaliser sur la colère des Britanniques, vis-à-vis de l'impasse dans lequel se trouve le processus de sortie, pour attirer les électeurs. Nigel Farage, figure du camp du «Leave» lors du référendum de juin 2016, s'est notamment dit prêt à «combattre la classe politique» après avoir qualifié de «trahison» la demande de report du divorce de Theresa May. Pour Molly Scott Cato, une eurodéputée britannique écologiste, il est donc clair que le scrutin «va devenir un référendum par procuration» sur le Brexit.
Ce qui pourrait coûter cher au parti conservateur de Theresa May. Les Britanniques semblent en effet remontés contre sa gestion catastrophique du Brexit, symbolisée par les trois rejets successifs par le Parlement de l'accord de retrait négocié par la Première ministre. Les récents sondages vont en tout cas dans ce sens. La formation au pouvoir est en effet largement distancée par le parti travailliste de Jeremy Corbyn, voire par le Parti du Brexit de Nigel Farage selon les sondages. D'après une étude YouGov pour le quotidien The Evening Standard, paru la semaine dernière, le parti d'extrême droite apparaît en tête des intentions de votes (27 %), devant le Labour (22 %) et les conservateurs (15 %).
Vers un impact sur le Parlement européen
En prenant en compte l'autre formation europhobe, le Ukip (qui tourne autour des 7 % des intentions de vote), les souverainistes pourraient remporter un nombre non négligeable de sièges dans le futur Parlement européen. Ainsi, dans le contexte d'une montée des partis populistes un peu partout en Europe, cela «pourrait conduire à une poussée plus forte des députés eurosceptiques, avec des conséquences négatives pour l'équilibre des forces au sein du parlement européen», relèvent Larissa Brunner et Fabian Zuleeg, analystes à l'European Policy Center (EPC).
Une participation des Britanniques aux élections européennes pourrait également avoir un impact sur le fonctionnement de l'institution. En effet, certains des Brexiters les plus durs sont prêts à se faire élire, afin de saboter son travail de l'intérieur. «Si nous restons dans l’UE contre notre volonté, démocratiquement exprimée, parce que certains dans l’UE espère que nous changerons d’avis… Ils vont le regretter», a ainsi menacé mardi 9 avril le député conservateur Mark Francois. «Nous deviendrons le cheval de Troie au sein de l’UE et ferons échouer leurs tentatives de poursuivre un projet plus fédéraliste» pour l’Union, a-t-il ajouté.