Comme une plaie supplémentaire : une gigantesque panne électrique plongeait jeudi soir Caracas et la majeure partie du Venezuela dans le noir complet, attribuée par le gouvernement de Nicolas Maduro au «sabotage» de la principale centrale du pays.
«Nous avons de nouveau été visés par la guerre de l'électricité. Cette fois ils ont attaqué la centrale hydroélectrique de Guri», la principale du pays dans le sud, a annoncé le ministre de l'Energie électrique Motta Dominguez.
Le courant a été brusquement coupé dans Caracas à 16H50 locales (20H50 GMT) et la coupure se prolongeait plus de quatre heures plus tard, affectant tous les quartiers de la capitale et les services comme le métro et les feux de circulation, juste avant la tombée de la nuit, a constaté l'AFP.
Les lignes téléphoniques et Internet ont été également brusquement interrompues ainsi que la distribution de l'eau dans les immeubles, assurée par des pompes électriques.
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Les coupures de courant sont habituelles au Venezuela, confronté à une grave crise économique, voire chroniques dans l'ouest. Mais plus rares à Caracas, surtout de cette ampleur.
Hormis les bâtiments alimentés par générateur, la ville, considérée comme l'une des plus dangereuses au monde et régulièrement désertée après la tombée du jour, était totalement plongée dans l'obscurité.
Selon les habitants de Caracas, obligés pour la plupart de rentrer du travail à pied, provoquant des marées humaines sur les trottoirs, cette panne est l'une des plus importantes subies depuis plusieurs mois.
«On est fatigué, épuisé...», confie à l'AFP Estefania Pacheco, vendeuse dans un quartier du centre et mère de deux enfants, obligée de parcourir à pied les 12 km qui la ramèneront chez elle dans l'est de Caracas.
Selon les informations de la presse locale, la panne affectait le Venezuela de part en part, avec des coupures signalées dans la moitié des Etats, de Zulia, Tachira, Merida et Lara dans l'ouest à Miranda, Vargas, Aragua et Carabobo au centre-nord, jusque Cojedes (centre), Monagas et Anzoategui (est), ainsi que l'Etat de Bolivar dans le sud.
«Ils ont saboté la centrale (hydroélectrique de) Guri... C'est une guerre de l'électricité menée contre l'Etat. Nous ne le permettrons pas! Nous sommes en train de travailler pour restaurer le service public», a affirmé sur Twitter la Compagnie nationale d'électricité (publique), Corpoelec.
Guri, dans l'Etat de Bolivar, est l'une des principales centrales électriques d'Amérique latine, avec celle d'Itaipu, entre le Brésil et le Paraguay.
Un sabotage, selon le régime
«C'est un sabotage qui était prévu pour durer plusieurs jours, mais le courant sera rétabli dans les heures qui viennent», a promis le ministre de la Communication Jorge Rodriguez.
S'exprimant à la radio, près de quatre heures après le début de la panne, M. Rodriguez a dénoncé «une action criminelle». «Et à ces criminels, nous le disons: ils ne vont pas s'en sortir comme ça!», a-t-il lancé. Selon lui, il s'agit «d'un sabotage technique effectué directement sur le site de la centrale».
Depuis un an, le président Maduro a demandé aux forces armées d'activer un plan spécial de sécurité pour protéger les installations électriques, mais les pannes continuent.
Des photos postées sur Twitter, jeudi soir, montrant des soldats gardant le site, moquent leur efficacité.
Les experts accusent le gouvernement socialiste de ne pas avoir investi pour entretenir les infrastructures alors que la crise économique fait rage. Mais les fonctionnaires du gouvernement dénoncent de fréquents «sabotages» - sans préciser de la part de qui.
Dans les quartiers du nord-ouest de la ville, favorables à l'opposition, les résidents sont sortis aux fenêtres et en voiture pour entamer un bref concert de casseroles et de sifflets, un «cacerolazo» de contestation du gouvernement alors que le pays est plongé dans une grave crise politique et économique.
Depuis le 23 janvier, le Venezuela compte deux présidents : Nicolas Maduro, qui a entamé un deuxième mandat contesté en raison des accusations de fraude qui pèsent sur sa réélection; et Juan Guaido, président de l'Assemblée nationale qui s'est à ce titre proclamé président par intérim, reconnu par une cinquantaine de pays.
En outre, le PIB s'est effondré de 50 % depuis 2014, avec une hyperinflation de 10 millions pour cent et un salaire minimum mensuel de 18.000 bolivars (6 dollars environ) qui permet tout juste d'acheter deux poulets.