A 78 ans, il redescend dans l'arène : le sénateur Bernie Sanders, brigue une nouvelle fois l'investiture démocrate pour la présidentielle 2020, après avoir rallié de nombreux démocrates à des propositions jugées irréalistes il y a quatre ans.
Quand il s'était lancé dans la bataille pour l'investiture démocrate en mai 2015, le sénateur du petit Etat du Vermont, en poste au Congrès depuis 1991, était quasi-inconnu et sans un sou.
Mais la campagne de ce détracteur de Wall Street aux cheveux blancs rebelles avait suscité un enthousiasme inattendu, notamment chez les jeunes, avec ses appels à une couverture santé pour tous, à des universités gratuites, à lutter contre le réchauffement climatique - et à une «révolution politique» contre les inégalités.
En annonçant sa candidature à la radio locale Vermont Public Radio, le natif de Brooklyn a tenu à rappeler que «beaucoup de (s)es idées» pendant la campagne 2016 sont maintenant «très très populaires».
Les ténors démocrates ne croyaient pas ce septuagénaire souvent qualifié d'«utopiste», sans charisme évident, capable de battre un candidat républicain : après une bataille plus serrée qu'escompté, Bernie Sanders avait dû abandonner tout espoir d'accéder à la Maison Blanche et apporter son soutien à sa rivale, Hillary Clinton.
Mais en quatre ans, tout a changé : la victoire-choc de Donald Trump a bouleversé le parti démocrate, dont les nouvelles vedettes, à l'image de la jeune Alexandria Ocasio-Cortez, ex-bénévole pour la campagne Sanders, sont presque toutes alignées sur les positions autrefois jugées irréalistes du sénateur du Vermont.
Un poids-lourd pour les démocrates
Au point que Bernie Sanders passe désormais pour beaucoup pour un «prophète», et constitue un poids-lourd parmi les nombreux démocrates qui rêvent déjà de défier Donald Trump en 2020.
«Nous avons réussi à changer idéologiquement le parti bien au-delà de mes espérances», confiait-il récemment au magazine GQ. «Le monde a changé».
Le retournement ne peut qu'être satisfaisant pour ce «socialiste» assumé, élu comme indépendant et non comme démocrate, resté fidèle aux convictions qu'il affichait du temps où il était maire de Burlington (1981-1989), première ville du Vermont avec 42.000 habitants.
Mais la nouvelle popularité de ses thèses pourrait aussi jouer contre lui : un septuagénaire blanc est-il le mieux placé pour incarner le renouvellement des élites et défendre des causes aujourd'hui portées par de nombreux candidats et candidates, à commencer par la sénatrice californienne Kamala Harris, dont la campagne a démarré sur les chapeaux de roue ?
Certains militants du mouvement #MeToo ont même condamné d'avance sa candidature, après que certaines des employées de sa campagne 2016 eurent indiqué avoir été sexuellement harcelées par des collègues plus âgés.
Bernie Sanders s'était excusé publiquement début janvier, tout en assurant n'avoir pas été au courant à l'époque des faits. «Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que nous voulons mettre fin au sexisme et à la discrimination. Cela doit être une réalité dans notre quotidien», avait-il tweeté.
S'il est connu pour n'être pas commode, voire irascible, y compris avec les journalistes, tout le monde reconnaît à ce New-Yorkais d'origine - il est né à Brooklyn le 8 septembre 1941, dans une famille modeste de juifs polonais - des qualités d'authenticité et une énergie à revendre.
Energie qu'il a encore démontrée en sillonnant le pays pour soutenir les candidats démocrates pour les législatives de novembre dernier, à l'issue desquelles il a lui-même été facilement réélu.
Son combat politique, il l'a commencé très jeune. Etudiant à l'université de Chicago, il rejoint la Ligue des jeunes socialistes, milite contre la guerre du Vietnam, s'engage pour le mouvement des droits civiques, rejoint les mouvements pacifistes.
Il déménage ensuite dans le Vermont, dans le nord-est des Etats-Unis, s'engage dans le parti de l'Union de la liberté, né du mouvement pacifiste, se présente à plusieurs élections sous cette étiquette et perd à plates coutures.
Sa carrière politique démarrera vraiment quand il sera élu maire de Burlington, avec 10 voix seulement d'écart à la faveur d'une triangulaire, l'emportant sur le maire démocrate.
Il ne rêve pas d'être président
Marié deux fois, sept fois grand-père, Bernie Sanders répète volontiers que contrairement à d'autres, il ne rêve pas depuis tout petit d'être président.
«Je ne me réveille pas le matin avec le désir brulant d'être président», assurait-il fin novembre dans une interview au New York Magazine, alors qu'il hésitait encore à annoncer sa candidature.
Désir pas brûlant, mais beaucoup d'envie quand même de redescendre dans l'arène car il ajoutait : «s'il s'avère que je suis le meilleur candidat pour battre Donald Trump, je serai probablement candidat».