Les Etats-Unis et les Européens ont affiché samedi à l'ONU un clair soutien au président autoproclamé vénézuélien Juan Guaido, la Russie, minoritaire, continuant de défendre Nicolas Maduro qui a rejeté tout ultimatum pour convoquer de nouvelles élections.
En réclamant à tous les pays d'«être aux côtés des forces de liberté», le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a averti le président vénézuélien - que Washington ne reconnaît plus - de ne pas s'en prendre aux diplomates américains dont l'expulsion a été ordonnée.
«Ne testez pas notre détermination», a-t-il dit, évoquant aussi un «Etat mafieux illégitime», lors d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité qui a duré cinq heures, convoquée à la demande des Etats-Unis, du Pérou et de la République dominicaine, et que la Russie a tenté en vain d'empêcher.
Le secrétaire d'Etat n'est resté que très peu à l'ONU pour éviter la prise de parole de son homologue vénézuélien Jorge Arreaza, avec qui il n'a eu aucun contact. A sa sortie du Conseil, Mike Pompeo a dit espérer devant des journalistes que les pays soutenant Juan Guaido mettraient «fin à leurs transactions financières avec le régime de Nicolas Maduro».
Parallèlement à cette session à l'ONU, Madrid, Paris, Berlin, Londres, Bruxelles et Lisbonne ont lancé un ultimatum à Nicolas Maduro, exigeant dans les huit jours la convocation d'élections, à défaut de quoi ces capitales reconnaîtraient l'opposant Juan Guaido comme «président».
«Pourquoi pas sept ou trente?», a ironisé la Russie, tandis que Caracas rejetait catégoriquement tout ultimatum. «Personne ne va nous donner des délais, ni nous dire si des élections doivent être convoquées ou non», a asséné Jorge Arreaza.
Accusations russes
L'Union européenne a annoncé qu'elle «prendra des mesures» si des élections ne sont pas convoquées «dans les prochains jours» mais certains de ses membres, comme la Grèce, continuent à soutenir Nicolas Maduro.
Juan Guaido s'est félicité de la réponse «forte» des Européens.
Dénonçant une «mise en scène», Moscou a réclamé dans un communiqué «la fin» d'«une ingérence cynique et non-dissimulée dans les affaires d'un Etat souverain».
A New York, la Russie et la Chine ont bloqué un projet américain de déclaration du Conseil de sécurité visant à apporter «un plein soutien» à Juan Guaido, selon le texte auquel a eu accès l'AFP.
Moscou a cependant échoué à empêcher la tenue de la réunion du Conseil de sécurité, ne recueillant lors d'un vote de procédure que le soutien de la Chine, de l'Afrique du Sud et de la Guinée équatoriale alors qu'il lui fallait neuf voix sur ses 15 membres pour atteindre son objectif.
L'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia, a accusé «les Etats-Unis et leurs alliés de vouloir renverser le président» du Venezuela. Parlant de «coup d'Etat», le diplomate a fait valoir que la crise relevait d'une «situation interne» au Venezuela.
Dans sa réponse, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a souligné que des milliers de Vénézuéliens avaient fui leur pays, déstabilisant la région.
Sur trois millions de réfugiés depuis 2015, «le Pérou (en) a accueilli 700.000», a rappelé Lima, membre non permanent du Conseil, tandis que Londres soulignait que «le socialisme de Maduro avait détruit tout un pays». La menace de déstabilisation de la région «est évidente», a relevé la Belgique.
Autre membre non permanent, la Guinée équatoriale a demandé au secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, d'endosser un rôle de médiateur au Venezuela, tandis que la Chine demandait à «toutes les parties le calme».
Un échange aigre-doux a opposé Vassily Nebenzia à son homologue allemand, Christoph Heusgen, pour qui discuter du Venezuela relève de la «diplomatie préventive». «Que penseriez-vous si la Russie demandait de discuter au Conseil de sécurité de la France (...) et des 'gilets jaunes' ?», a rétorqué le diplomate russe, en précisant qu'il n'en avait pas l'intention.
26 morts
Les États-Unis sont le seul des cinq membres permanents du Conseil de sécurité à avoir formellement reconnu jusqu'à présent Juan Guaido comme «président».
A Caracas, le bras de fer se poursuit entre Juan Guaido, 35 ans, président du Parlement qui s'est autoproclamé «président» par intérim, et Nicolas Maduro, investi le 10 janvier pour un second mandat considéré comme illégitime par les Etats-Unis, l'Union européenne et la plupart des pays d'Amérique latine.
Nicolas Maduro, qui peut compter sur le soutien de l'armée, a lui appelé à «la rébellion populaire contre le coup d'Etat». «Le peuple dans la rue !», a-t-il lancé.
Les mouvements de protestation contre le régime ont fait 26 morts en quatre jours, selon l'ONG Observatorio Venezolano de Conflictividad Social.
Plus de 350 personnes ont été arrêtées cette semaine lors de ces manifestations, «dont 320 pour la seule journée du 23 janvier», selon l'ONU.
L'aggravation de la crise politique intervient en pleine débâcle économique dans ce pays pétrolier, jadis prospère et désormais frappé par d'importantes pénuries de nourriture et de médicaments, et soumis à une hyperinflation qui devrait selon le Fonds monétaire international (FMI) atteindre 10.000.000% en 2019.