Le processus politique semble prendre le dessus sur la guerre au Yémen après un accord mardi pour l'échange de centaines de prisonniers et le départ d'une délégation de rebelles pour participer à des pourparlers de paix en Suède, les premiers depuis 2016.
Le médiateur de l'ONU, le Britannique Martin Griffiths, qui se trouvait depuis lundi dans la capitale Sanaa contrôlée par les rebelles Houthis, est parti mardi avec une délégation de ces insurgés pour la Suède, où des représentants du gouvernement yéménite pourraient arriver mercredi. La date du début des pourparlers n'a pas encore été officiellement annoncée par les Nations unies, mais des sources gouvernementales yéménites parlent de jeudi.
Avant cette échéance, le gouvernement, en exil à Aden (sud), et les rebelles ont signé un accord pour échanger des centaines de prisonniers, a-t-on appris mardi de sources concordantes. Hadi Haig, en charge de la question des détenus au sein du gouvernement yéménite, a déclaré à l'AFP que cet accord concernerait entre 1.500 et 2.000 membres des forces progouvernementales et entre 1.000 et 1.500 rebelles Houthis. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a «salué» cet accord conclu sous l'égide de M. Griffiths.
«C'est un pas dans la bonne direction pour construire la confiance mutuelle entre les communautés yéménites», a dit à l'AFP une porte-parole du CICR à Sanaa, Mirella Hodeib. Selon Hadi Haig, l'accord sur les prisonniers sera mis en oeuvre après la tenue du round de négociations en Suède. Un représentant rebelle, Abdel Kader al-Mourtadha, a souhaité qu'il soit «appliqué sans problème».
Chance «décisive»
De son côté, le gouvernement des Emirats arabes unis, un des piliers avec l'Arabie saoudite d'une coalition militaire soutenant le gouvernement yéménite, a estimé mardi que les pourparlers prévus en Suède constituaient une chance «décisive» pour mettre fin à un conflit meurtrier qui dure depuis quatre ans. «Nous pensons que la Suède offre une occasion décisive pour s'engager avec succès dans une solution politique», a déclaré Anwar Gargash, ministre d'Etat émirati aux Affaires étrangères.
L'évacuation lundi vers le sultanat d'Oman de rebelles Houthis blessés au Yémen a ouvert la voie à des négociations en Suède. La question de l'évacuation d'insurgés blessés avait été à l'origine de l'échec de pourparlers en septembre à Genève.
Les Houthis avaient alors accusé l'Arabie saoudite, qui contrôle l'espace aérien yéménite, d'avoir empêché le départ de blessés et de ne pas avoir donné de garanties pour le voyage aller-retour en toute sécurité de la délégation rebelle. Selon Anwar Gargash, l'évacuation lundi de 50 Houthis blessés «démontre une nouvelle fois le soutien apporté à la paix par le gouvernement yéménite et la coalition».
«Une solution durable menée par les Yéménites offre la meilleure chance pour mettre fin à la crise actuelle», a-t-il dit, ajoutant toutefois : «Un Etat stable, important pour la région, ne peut coexister avec des milices illégales».
M. Gargash a affirmé l'importance de la résolution 2216 (d'avril 2015) du Conseil de sécurité de l'ONU qui souligne la légitimité du gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi et exige le retrait des Houthis des villes et régions qu'ils occupent au Yémen, ainsi que la restitution des armes lourdes, dont les systèmes de missiles. La résolution 2216 offre «une feuille de route réaliste», a estimé le ministre émirati.
Soutien saoudien
Dès lundi, le colonel saoudien Turki al-Maliki, porte-parole de la coalition antirebelles, avait déclaré que l'autorisation pour l'évacuation de blessés avait été donnée «à la demande» de Martin Griffiths «pour des raisons humanitaires» et comme «mesure destinée à instaurer la confiance». Il avait aussi souligné que la coalition soutenait les efforts du médiateur de l'ONU.
La réouverture prochaine de l'aéroport international de Sanaa au trafic commercial figure parmi d'autres «mesures de confiance» susceptibles d'être discutées en Suède, selon des sources onusienne et yéménite. L'Arabie saoudite est sous la pression des grands pays occidentaux depuis l'assassinat de Jamal Khashoggi, journaliste saoudien critique du prince héritier Mohammed ben Salmane, par des agents saoudiens le 2 octobre au consulat du royaume à Istanbul.
Parallèlement aux sollicitations pour que toute la lumière soit faite sur cette affaire qui a terni l'image de Ryad, les appels se multiplient pour que les Saoudiens accélèrent un règlement politique au Yémen, où plus de la moitié de la population manque cruellement de nourriture. Dans son appel humanitaire mondial pour 2019 lancé mardi à Genève, l'ONU a déclaré que «le Yémen n'a jamais été aussi proche de la famine».
Partis en 2014 de leur bastion du nord du Yémen, les Houthis, qui sont soutenus politiquement par l'Iran, ont pris le contrôle de vastes régions du pays, dont la capitale Sanaa et la ville portuaire de Hodeida (ouest). Depuis l'intervention militaire de la coalition sous commandement saoudien en mars 2015, les combats ont fait quelque 10.000 morts et plus de 56.000 blessés au Yémen, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Des ONG estiment que le bilan réel des victimes directes ou indirectes du conflit est largement plus élevé.