Deux personnalités contestées en leur temps, l'archevêque salvadorien assassiné Oscar Romero et son ami le pape italien Paul VI, ont pris leur revanche dimanche en devenant saints sur la place Saint-Pierre.
Le pape argentin a prononcé la formule traditionnelle de canonisation devant des dizaines de milliers de fidèles dont de nombreux Salvadoriens ayant pu faire le voyage. «Nous déclarons et définissons saints les bienheureux Paolo VI, Oscar Arnulfo Romero Galdámez (...)», a lancé en latin le souverain pontife. Cinq autres bienheureux ont également été proclamés saints.
Mgr Oscar Romero avait trouvé un mentor en Paul VI, son ancien professeur à Rome avec qui il entretenait une correspondance, et dont il soutenait la modernisation de l'Eglise inscrite dans le concile Vatican II.
Le pape François, qui portait un cordon blanc tâché de sang de Mgr Romero et une chasuble de Paul VI durant la traditionnelle cérémonie de canonisation, a également faits saints dimanche deux prêtres italiens et deux fondatrices d'ordres religieux, une Allemande et une Espagnole, qui ont tous aidé les pauvres.
A également été canonisé Nunzio Sulprizio, mort à 19 ans au début du XIXe siècle. Le petit orphelin italien qui accepta une vie de souffrance avait été béatifié par Paul VI, qui considérait que «la jeunesse ne doit pas être considérée comme l'âge des passions désordonnées».
Décrit comme un homme simple et proche du peuple, Oscar Romero, né en 1917, avait pris la défense des paysans sans terre, suscitant ainsi la colère des milieux les plus conservateurs du Salvador.
Surnommé «la voix des sans voix», cet adepte de la théologie de la libération, sans être théologien, avait été assassiné en pleine messe par un commando d'extrême droite, le 24 mars 1980, au début d'une guerre civile (1980-1992) qui fit quelque 75.000 morts et 7.000 disparus au Salvador.
«Amour des pauvres»
Mgr Oscar Romero et le pape François ont en commun «l'amour des pauvres». A l'instar du pape argentin, l'archevêque Romero fustigeait le libéralisme économique qui opprimait les plus pauvres dans son pays.
L'Eglise a longtemps bloqué sa reconnaissance officielle, lancée sous Benoît XVI, qui ne viendra toutefois pas assister à la cérémonie de canonisation. Le pape François lui a toutefois rendu visite dans sa retraite au Vatican.
Deux ans après l'élection de François, le Vatican a reconnu le «martyr» de Mgr Romero, ouvrant la voie à sa béatification en mai 2015 à San Salvador.
Le pape argentin a exprimé à plusieurs reprises sa proximité avec ce prélat conservateur du point de vue de la doctrine, notant qu'il avait été «diffamé», «traîné dans la boue», «lapidé» par certains évêques et prêtres latino-américains, avant et après sa mort. L'archevêque avait notamment été accusé d'être un «déséquilibré» et «un marxiste».
Paul VI, né Giovanni Battista Montini en 1897, a été pape de 1963 à 1978, achevant le concile Vatican II lancé par son prédécesseur Jean XXIII, considéré comme une adaptation majeure de l'Eglise au monde moderne. Celui qui fut béatifié en octobre 2014 est aussi celui qui dit «non» en 1968 à la pilule contraceptive, suscitant des réactions très négatives y compris au sein de l'Eglise.
Le pape François fait coïncider sa canonisation avec le synode consacré aux jeunes en cours au Vatican, honorant ainsi celui qui avait institué cette assemblée consultative d'évêques. Il cite souvent les écrits de Paul VI et les deux hommes ont en commun une volonté de réforme de la Curie romaine.
Peu après son élection, Paul VI avait déposé la tiare pontificale sur l'autel de la basilique Saint-Pierre, tout comme Jorge Bergoglio a renoncé à la croix pectorale en or.
Paul VI doit sa canonisation au miracle présumé d'une petite fille italienne née très prématurément en 2014 malgré le percement de sa poche amniotique et les conseils d'avortement des médecins. La mère avait prié devant une relique de Paul VI.
L'encyclique Humanae Vitae de 1968 de Paul VI se prononce précisément contre la contraception et l'avortement pour des raisons thérapeutiques.
C'est au nom de ce même respect pour l'embryon que le pape François a comparé mercredi l'avortement au recours à «un tueur à gages», suscitant un tollé en France cinquante ans après l'encyclique décriée de Paul VI.