Le Parlement irakien doit élire lundi soir un nouveau président de la République, un poste traditionnellement réservé à un Kurde qui fait pour la première fois l'objet d'une bataille entre les deux partis historiques du Kurdistan.
La veille, la région, autonome depuis 1991, a voté pour élire son Parlement local. Les résultats de ce scrutin, qui seront connus d'ici mercredi soir, révèleront le nouveau rapport de force au Kurdistan, un an après le fiasco du référendum d'indépendance qui a profondément divisé. Depuis les premières élections multipartites de 2005, dans la foulée de l'invasion emmenée par les Américains qui a renversé le dictateur Saddam Hussein, le poste de président de la République faisait l'objet d'un accord tacite entre Kurdes.
L'Union patriotique du Kurdistan (UPK), du défunt président irakien Jalal Talabani, obtenait la présidence à Bagdad; tandis que le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani, architecte du référendum d'indépendance de l'an dernier, tenait la présidence du Kurdistan. Mais cette année, ce poste a été gelé après le départ de M. Barzani à l'issue de son mandat et ses prérogatives ont été réparties entre les autres institutions locales.
Compétition UPK-PDK
Les deux partis se lancent donc dans la bataille à Bagdad et leurs candidats ont multiplié les tournées et rencontres dans le sud du pays, pour tenter d'obtenir les soutiens des différents leaders ayant assez de députés pour être en position de former le prochain gouvernement fédéral.
D'un côté, l'UPK présente Barham Saleh, 58 ans, qui a par le passé occupé les postes de vice-Premier ministre à Bagdad et de Premier ministre du Kurdistan. Personnalité modérée, ce candidat présente tous les avantages pour convaincre à Bagdad mais est décrié par la frange indépendantiste à Erbil. De l'autre, le PDK, qui se revendique comme le premier parti d'Irak --les coalitions arrivées en tête aux législatives de mai étant des rassemblements de partis-- présente un candidat, pour la première fois depuis 2005.
Il s'agit de Fouad Hussein, 69 ans, l'ancien directeur de cabinet de Massoud Barzani. Ce vétéran de l'opposition à Saddam Hussein présente plusieurs atouts de poids face à Bagdad. Il en connaît les arcanes pour avoir été membre, avec Barham Saleh, des autorités intérimaires mises en place par les Etats-Unis après l'invasion. En outre, il est chiite, alors que l'immense majorité des Kurdes sont sunnites. Et cela pourrait lui valoir un plus grand soutien des dirigeants à Bagdad, majoritairement chiites.
Le vote de lundi aura lieu à 20H00 (17H00 GMT), ce qui laisse le temps aux Kurdes, affirment les observateurs, de négocier un possible retrait d'un des deux candidats pour présenter une seule personnalité au vote des députés de l'ensemble de l'Irak.
Prochaine étape : le gouvernement
En outre, si la Constitution impose que le président soit élu avant mercredi, le vote pourrait intervenir plus tard. Car si aucun candidat ne rassemble lundi les deux tiers des voix des députés, la séance parlementaire peut être ajournée au lendemain puis déclarée ouverte sans limite de temps. Une fois le président, kurde, élu, --après que le Parlement s'est choisi en septembre Mohammed al-Halboussi comme président, sunnite-- il ne restera plus qu'un poste-clé à pourvoir : celui de Premier ministre, toujours attribué à un chiite.
C'est le président de la République, durant les 15 jours qui suivront son élection, qui devra charger le candidat désigné par la plus large coalition au Parlement de former un gouvernement. La plus large coalition n'est jusqu'ici pas officiellement connue. Deux camps se disputent le titre. Il y a d'un côté celui du Premier ministre sortant Haider al-Abadi, lâché par plusieurs de ses alliés. Et en face, se trouve celui formé par le turbulent leader chiite Moqtada Sadr et les anciens combattants antijihadistes du Hachd al-Chaabi.