Le Parti des Travailleurs (PT) du Brésil a déposé mercredi la candidature de son chef historique emprisonné Lula à la course à la présidentielle d'octobre, prenant un pari politique très risqué et mettant au défi le pouvoir.
«C'est officiel ! Lula est le candidat du Parti des Travailleurs à la présidence de la République», s'est réjoui le PT sur son site, bien que la candidature de l'icône de la gauche brésilienne ne pourrait être que toute symbolique.
Il est très probable en effet que le TSE rejette la candidature de Lula, qui reste l'immense favori des sondages tout en ayant commencé à purger en avril une peine de plus de 12 ans de prison pour corruption et blanchiment d'argent.
Une loi stipule en effet l'inéligibilité de toute personne ayant été condamnée en appel, ce qui est le cas de celui qui fut deux fois chef de l'Etat (2003-2010) et est emprisonné à Curitiba (sud).
La présidente du PT Gleisi Hoffmann a exhibé le document attestant du dépôt de la candidature, quelques heures avant l'expiration du délai légal.
«Aujourd'hui est un jour très important. Nous sommes venus enregistrer la candidature du camarade Lula malgré tout ceux qui ne voulaient pas que cela arrive», a-t-elle lancé devant quelque 10.000 militants de gauche ayant convergé devant le TSE, dans le coeur de Brasilia.
Lula, qui avait quitté le pouvoir avec un taux record de popularité, clame son innocence et se dit victime d'une persécution politique destinée à l'empêcher de se présenter à un troisième mandat.
Douze autres candidats devaient avoir fait enregistrer leur candidature avant minuit pour le scrutin le plus incertain des dernières décennies au Brésil, où la population est globalement désabusée, voire écoeurée, par la politique.
Parmi eux figure le député d'extrême droite Jair Bolsonaro (PSL), deuxième dans les enquêtes d'opinion mais loin derrière Lula, l'ex-gouverneur de Sao Paulo Geraldo Alckmin (PSDB, centre droit) et l'écologiste Marina Silva.
Course contre la montre
Des colonnes de plusieurs milliers de militants de gauche ayant marché sur Brasilia depuis samedi dernier se sont retrouvées devant le TSE, scandant «Urgent ! Brésil, Lula président !», portant des tee-shirts arborant le portrait de Lula, ou se couvrant le visage d'un masque de leur leader.
Si le TSE rejette la candidature de Lula, le PT devra mener une course contre la montre pour faire campagne pour son probable joker, l'ex-maire de Sao Paulo Fernando Haddad, au scrutin présidentiel des 7 et 28 octobre.
Un pari très risqué, estiment de nombreux analystes.
Ce n'est rien de moins que «l'avenir du PT comme principale force de centre gauche qui se joue avec une telle stratégie», a déclaré à l'AFP le politologue Thiago Vidal, des consultants Prospectiva.
«Ce serait difficile pour Haddad de remporter cette élection» alors que Lula reste le seul grand leader de la gauche brésilienne, sans successeur désigné et que le report des voix sera loin d'être automatique.
Le PT a déjà été laminé par la destitution en 2016 de Dilma Rousseff qui avait succédé à Lula à la présidence, et par des municipales catastrophiques dans la foulée.
Lula a été condamné pour avoir reçu un triplex d'un groupe de BTP en échange de sa médiation dans des contrats avec le groupe public Petrobras. Il fait face par ailleurs à cinq autres procédures légales, essentiellement pour corruption, pour lesquelles il clame également son innocence.
Comme tous les partisans de Lula, Adrovando Brandao, un petit entrepreneur qui a fait plus de 2.000 km en autocar pour arriver depuis son nord-est jusqu'à Brasila, estime que l'icône de la gauche est victime d'une machination politique.
«Aujourd'hui notre pouvoir judiciaire est sujet à divers intérêts» externes à la justice, assure-t-il.