Le géant de l'ameublement Ikea s'apprêtait mercredi à ouvrir son premier magasin en Inde en jouant à fond la carte de la culture locale, au point d'adapter ses fameuses «boulettes suédoises» aux palais des classes moyennes indiennes.
Il s'agit de la deuxième tentative du numéro un mondial de la vente de meubles de se lancer en Inde, après avoir vu ses plans contrecarrés en 2006 par une loi sur les investissements étrangers, assouplie depuis, imposant de s'associer à un partenaire local.
Pour ce nouvel essai, Ikea propose «une offre d'ameublement pour la maison exaltante, abordable et pratique», a déclaré mercredi son PDG Jesper Brodin à la veille de l'ouverture de son magasin de 37.000 m2 dans la ville de Hyderabad (Sud).
A Hyderabad, le groupe table sur sept millions de visiteurs par an pour son magasin doté de 850 employés, le premier des vingt-cinq qu'il compte ouvrir d'ici 2025 en Inde, pays qui devrait connaître une croissance de 7,3% de son PIB pour l'année budgétaire en cours, accélérant même à 7,5% l'année suivante, selon le Fonds monétaire international (FMI).
Dans ce contexte, Ikea compte investir au total 1,5 milliard de dollars sur la troisième économie d'Asie et espère profiter de la hausse du niveau de vie des classes moyennes dans ce géant de 1,25 milliard d'habitants.
«Boulettes», biryani et tournevis
Pour attirer la clientèle, la multinationale, fondée en 1943 par l'entrepreneur Ingvar Kamprad, décédé en janvier, a «beaucoup changé pour l'Inde», explique à l'AFP un de ses hauts responsables, Henrik Osterstrom.
Aux côtés de ses produits internationaux, Ikea proposera des objets spécifiquement adaptés au mode de vie indien comme des boîtes à épices, des «tawas» (poêles à frire indiennes) ou des machines à idlis -galettes traditionnelles du petit déjeuner dans le Sud de l'Inde. Pour rendre accessible son «rêve suédois», un millier de produits coûteront amoins de 200 roupies (2,5 euros).
Et comme monter des meubles soi-même n'est guère dans la culture des classes moyennes du pays, la chaîne a noué un partenariat avec une plateforme internet, UrbanClap, qui met en relation avec des travailleurs manuels.
«La nourriture fait partie de l'expérience. Le magasin est énorme et les consommateurs auront donc besoin d'un regain d'énergie à mi-parcours», souligne M. Osterstrom. D'où l'emphase mise par le groupe sur le menu de sa cantine géante. Le magasin de Hyderabad s'enorgueillit d'un restaurant de mille places, le plus grand dans le monde pour la chaîne qui affirme aussi que c'est «sans doute le plus grand en Inde».
En raison des sensibilités religieuses, les fameuses boulettes d'Ikea -presque aussi connues que ses étagères «Billy»- seront donc confectionnées avec du poulet, plutôt que du boeuf ou du porc, ou bien seront végétariennes. Le biryani sera aussi au menu.
La «Qualité» indienne contre les prix suédois
Après Hyderabad, Ikea prévoit l'ouverture l'an prochain d'une grande surface à Bombay, puis à New Delhi et à Bangalore pour rafler une partie du marché indien des articles pour la maison, estimé à 40 milliards de dollars.
Mais pour des analystes, le chemin d'Ikea sera long en Inde où le marché du meuble est déjà chargé avec des sites spécialisés comme Urban Ladder et PepperFry, sans compter les géants du e-commerce Amazon et Flipkart. «Ikea devra focaliser sur la formation de ses employés, trouver le juste équilibre pour séduire les consommateurs dans les plus petites villes», souligne Satish Meena, analyste à la firme Forrester. «Ca prendra du temps avant de dégager des bénéfices».
A Hyderabad, certains prévoient de faire un saut au magasin, sans nécessairement y faire des achats. «C'est clair que je vais y aller bientôt, probablement ce weekend. Ils ont de bons produits. Il faudra voir ce qu'ils vendent ici», lance G. Kumar, chargé de marketing dans une société locale. Pour Siddharth, gérant d'un magasin de mobilier sur mesure, Ikea attirera peut-être des étudiants mais pas le reste de la population qui tient à des meubles en bois de «qualité» fabriqués en Inde. «Ce sera un flop !», prédit-il. «Je ne pense pas qu'ils vont rivaliser avec nous».