Caucher Birkar, un Kurde iranien réfugié au Royaume-Uni, vivait un véritable conte de fées mercredi à Rio de Janeiro en recevant la médaille Fields, la récompense suprême des mathématiques, mais le rêve a tourné au cauchemar, la précieuse médaille ayant été volée quelques minutes plus tard.
Le mathématicien de 40 ans est un des quatre lauréats de cette médaille souvent qualifiée de Prix Nobel des mathématiques, aux côtés de l'Allemand Peter Scholze, âgé de 30 ans seulement, de l'Italien Alessio Figalli, qui a effectué une grande partie de sa carrière en France, et de l'Indo-Australien Akshay Venkatesh.
Une heure après la cérémonie, les trois derniers cités étaient présents, souriants, en conférence de presse, mais Caucher Birkar était aux abonnés absents.
Et pour cause : les organisateurs ont révélé quelques minutes plus tard que sa médaille avait été dérobée.
«L'organisation du Congrès international de mathématiques (ICM 2018) regrette profondément la disparition de la pochette du mathématicien Caucher Birkar qui contenait la médaille Fields reçue pendant la cérémonie de ce matin», ont-ils expliqué dans un communiqué.
«Les images de l'événement sont en cours d'analyse. L'organisation collabore avec les autorités policières qui enquêtent sur cette affaire», ont-ils souligné, sans donner plus de précisions sur les circonstances du vol.
«Faire sourire 40 millions» de Kurdes
Selon le site brésilien internet d'informations G1, le mathématicien s'est fait voler sa médaille quelques minutes après l'avoir reçue.
Il l'avait laissée sur une table dans une pochette, avec son téléphone portable et son portefeuille.
Une fois qu'il s'est rendu compte que la pochette avait disparu, il a alerté les organisateurs, qui l'ont retrouvée par terre, sous une tribune, mais la médaille et le portefeuille n'étaient plus à l'intérieur.
Né dans un village kurde près de Marivan, dans le nord-ouest de l'Iran près de la frontière irakienne, Caucher Birkar, 40 ans, a fait ses études à Téhéran avant de partir pour le Royaume-Uni, où il a obtenu l'asile politique.
Professeur à l'Université de Cambridge, il a été récompensé pour sa contribution aux études géométriques sur le plan de Fano.
«J'espère que cette nouvelle va faire sourire 40 millions de personnes», a commenté le mathématicien dans un message diffusé sur le compte Twitter de l'ICM 2018, faisant allusion au peuple kurde. Avec tous les conflits qui font rage dans la région, «le Kurdistan n'était pas un endroit où on pourrait imaginer qu'un enfant puisse s'intéresser aux mathématiques», a-t-il ajouté.
Les médailles ont été remises au cours de la cérémonie d'ouverture du Congrès international des mathématiques, qui a lieu tous les quatre ans depuis la fin du XIXe siècle et était organisé pour la première fois dans l'hémisphère sud, réunissant environ 3.000 participants.
Peter Scholze, un professeur de l'Université de Bonn, a remporté la médaille Fields grâce à ses travaux sur l'arithmétique et la géométrie algébrique. «Il y a un nombre infini de problèmes. Quand on parvient à en résoudre un, dix de plus font leur apparition», a affirmé le jeune Allemand sur Twitter.
Alessio Figalli, un Italien 34 ans, a pour sa part été récompensé pour ses contributions à la théorie du transport optimal. Chargé de recherches au CNRS (Centre national de la Recherche scientifique en France) depuis 2007, il est actuellement détaché à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (Suisse). Boursier du Conseil européen de la recherche (ERC), il a notamment eu comme mentor le Français Cédric Villani, médaillé Fields en 2010.
Félicitations du Premier ministre
«Félicitations à Alessio Figalli, médaille Fields de mathématiques. Cela n'était pas arrivé depuis 44 ans qu'un Italien obtienne une reconnaissance aussi prestigieuse, l'équivalent d'un prix Nobel. Nous continuons à investir dans nos jeunes et dans le système d'instruction et de formation 'Italia'», a réagi sur Twitter le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte
Le quatrième lauréat, Akshay Venkatesh, 36 ans, est né à New Delhi et a grandi en Australie. Il a été récompensé pour ses travaux sur la théorie analytique des nombres.
«Nous ne faisons pas des maths pour recevoir des prix et ce qui nous vraiment heureux, c'est de sentir qu'on contribue vraiment à l'avancée de la recherche», a-t-il affirmé en conférence de presse.
La médaille Fields est attribuée depuis 1936 à au maximum quatre mathématiciens de moins de 40 ans.
Ce prix a été proposé en 1923 par le mathématicien canadien John Charles Fields, décédé en 1932. Il a légué ses biens à la science pour financer cette récompense, souvent qualifiée de «prix Nobel» de mathématiques.
Lors de la cérémonie d'ouverture, les organisateurs ont annoncé que la prochaine édition aurait lieu à Saint-Pétersbourg, en Russie, en 2022.